Le Tropical Parc à Saint-Jacut les Pins dans le Morbihan s’est fait une spécialité dans la présentation de plantes originales et surprenantes. Il a informé récemment la presse de la présence de « zizis végétaux » dans ses collections, plantes que le communiqué nommait : « Trichocereus bridgessi Mostruosa ».
Intrigués par l’orthographe suspecte donnée à la plante, nous avons mené notre enquête et nous vous proposons de découvrir la réalité botanique de cette plante des plus curieuses et plus encore…
L’histoire du « zizi cactus » commence sur les hauts plateaux désertiques de la Bolivie andine (Cochabamba, Chuquisaca, Tarija) situés entre 1 800 et 2 800 m d’altitude. C’est là que pousse la « torche bolivienne » : Echinopsis lageniformis. Il s’agit d’un spectaculaire cactus colonnaire qui a été nommé en 1974 par l’Allemand Hans Christian Friedrich (1925-1992) et l’Anglais Gordon Douglas Rowley (né en 1921). De croissance rapide, plus ou moins ramifié, vert pâle, un peu glauque, il mesure dans la nature de 2 à 5 m de haut, portant des fleurs blanches de 5 à 20 cm de diamètre.
Il existe une forme mutante d’origine horticole : Echinopsis lageniformis f. monstruosa inermis qui est aussi appelée « plante pénis » ou « cactus pénis », la forme de certaines tiges étant plus que suggestive…
Contrairement à l’habitude colonnaire typique de l’espèce, Echinopsis lageniformis f. monstruosa inermis affiche de courtes sections de tiges cylindriques (de 10 à 35 cm de long et 5 cm de diamètre), qui se ramifient pour former un buisson épineux et trapu. La partie supérieure de chaque segment de tige d’un beau vert glauque clair, est lisse, dépourvue d’aiguillons, ce qui la fait fortement ressembler à un pénis en érection. En revanche, la partie inférieure de la plante est épineuse et montre une tendance à plisser.
S les Français lui donnent volontiers le surnom familier de « zizi végétal », en Allemagne, la plante est nommée « Frauenglück », qui se traduit par : « le plaisir des dames ». Quant aux Anglais, ils lui donnent carrément du « pornographic cactus » !
Le « cactus pénis » pousse beaucoup plus lentement que l’espèce type, mais en raison de sa forme très inhabituelle et assez équivoque, il est très recherché par les passionnés de cactées. Il existe aussi une forme panachée de jaune encore plus rare qui est apparue spontanément parmi les plantes à tiges vertes de la pépinière italienne « Cactus Art » à Ravenne.
En 1909 par le botaniste italien Vincenzo Riccobono (1861-1943) renomma le genre Trichocereus, que l’Allemand Alwin Berger (1871-1931) avait créé en 1905 avec l’orthographe Tricocereus. En 1920 les américains Nathaniel Lord Britton (1859-1934) et Joseph Nelson Rose (1862-1928) avaient décrit la plante sous le nom de Trichocereus bridgesii.
Depuis la révision complète de la famille des Cactaceae dans les années 1970/1980, les Trichocereus ont été inclus dans le genre Echinopsis créé en 1837 par le botaniste allemand Joseph Gerhard Zuccarini (1797-1848). Le genre Echinopsis compte 132 espèces valides et de nombreuses sous-espèces et cultivars.
Notez qu’il existe une espèce très proche d’Echinopsis lageniformis, et toujours valide au niveau de la nomenclature botanique internationale, nommée en 1850 : Echinopsis bridgesii, par Joseph Maria Franz Anton Hubert Ignaz de Salm-Reifferscheidt-Dyck (Salm-Dyck, 1773-1861). Ce cactus de forme buissonnante et compacte, a été aussi appelé par erreur Trichocereus bridgesii par Britton & Rose. Ceci entraîne donc beaucoup de confusion dans les appellations.
La dénomination de l’espèce Echinopsis bridgesii honore la mémoire de Thomas Bridges (1807-1865), botaniste de l’époque victorienne qui fut aussi un grand voyageur et un collecteur de plantes. Il découvrit plusieurs espèces nouvelles (ainsi que des animaux) en Amérique du Sud et principalement dans les Andes. Deux autres plantes lui rendent aussi hommage : Penstemon bridgesii (Plantaginaceae), nommé par A. Gray en 1868 et le cactus Copiapoa bridgesii, dont l’appellation officielle est aujourd’hui Copiapoa echinoides.
Il existe 7 mutations connues d’Echinopsis lageniformis dont l’une des plus intéressantes est Echinopsis lageniformis f. monstruosa cristata. C’est un clone d’aspect étrange dont les cristations et les crispations des tiges, fascinent les collectionneurs de cactus. Ce cultivar très recherché est bien fixé ce qui l’empêche de revenir à la forme d’origine (pas de retour au type). De croissance lente, la plante mesure de 20 à 40 cm de haut. Très peu épineuse, la tige porte parfois des aiguillons sur de rares aréoles situées dans la partie plus fine des cristations. Droits, solides, de couleur miel à brun, ces aiguillons mesurent jusqu’à 4 cm de long.
En raison de ses origines montagnardes (il pousse entre 1 000 et 3 000 m d’altitude), Echinopsis lageniformis montre une bonne résistance au froid (-12 ° C en sol bien sec). C’est assurément le plus rustique de tous les Echinopsis. Il apprécie une terre fertile et surtout bien drainée. Laissez toujours le substrat sécher avant d’arroser de nouveau. Toutefois le « pénis végétal » semble apprécier un peu plus d’eau que la plupart des cactus. Durant la période de croissance, fertilisez une fois par mois avec un engrais pour cactées du commerce.
Installez la plante à l’extérieur en plein soleil de mai à octobre. Durant l’hiver, une pièce lumineuse et fraîche (une véranda est idéale) va favoriser la dormance d’Echinopsis lageniformis à condition de réduire fortement les arrosages et de cesser les apports d’engrais. Dans la maison, il est courant de voir la plante s’étioler (les tiges mincissent et s’allongent), en raison du manque de lumière.
Comme tous les cactus, Echinopsis lageniformis montre une réelle sensibilité aux maladies cryptogamiques (taches noires et pourritures) s’il est trop arrosé durant la période hivernale. En revanche, il supporte bien l’humidité par temps chaud.
Les boutures de tronçons de tiges reprennent très bien si l’on prend soin de laisser une pellicule cicatricielle se former sur la plaie de coupe avant de disposer la portion de plante sur le substrat (sable + tourbe blonde en mélange par moitié).
Sur les hauts plateaux boliviens où Echinopsis lageniformis est appelé Achuma ou Wachuma, la plante fait partie d’une longue tradition chamanique qui la considère comme un esprit puissant et protecteur.
Cette plante renferme des alcaloïdes psychoactifs, notamment de la mescaline dans des concentrations parfois supérieures à celles du cactus de San Pedro (Echinopsis pachanoi). La consommation de ces plantes provoque des sensations psychédéliques et des hallucinations.