Dès l’Égypte ancienne, on retrouve l’ail (Allium sativum) à la base de recettes aphrodisiaques multiples car il possède de réelles vertus tonifiantes. On considère donc l’ail comme le plus ancien aphrodisiaque de l’humanité, bien qu’aucune étude scientifique sérieuse n’ait permis de vérifier les vertus que l’on porte historiquement à ce légume-condiment. Il possède toutefois de réelles propriétés vasodilatatrices dues à ses composés organiques sulfurés dont l’allicine et à une enzyme : l’alliinase. Il est par conséquent intéressant d’explorer les vieux grimoires et de remonter le temps pour découvrir toutes les vertus que l’on prêtait à l’ail et ses utilisations au fil des siècles dans l’art de la séduction, et de la conclusion…ou non !
Originaire du Bassin méditerranéen et d’Asie mineure, l’ail fait partie des ingrédients de base de la cuisine du Sud (aïoli, aillade, aillée…). Grâce à sa richesse en sels minéraux (zinc, manganèse, iode) et en vitamines C et B1, c’est un puissant énergétique dont les vertus sont connues depuis des millénaires. C’est cet effet stimulant qui vaut à l’ail sa réputation d’aphrodisiaque.
Il faut aussi évoquer la forme même de la tête d’ail dans sa réputation aphrodisiaque, ainsi que le décrit sans ambages Jean-Luc Henning dans son « Dictionnaire érotique des fruits et légumes » de 1994 (Albin Michel) : « L’ail est un bulbe lubrique. La forme de sa tête évoque du reste assez complaisamment de dont les hommes sont si fiers et dont ils tirent parfois abusivement avantage. »
– • Ail d’Aphrodite. Dans la Grèce antique, l’ail passait pour anaphrodisiaque et pourtant, Aphrodite elle-même l’aurait utilisé dans ses philtres d’amour en association avec de la coriandre. Dans le temple d’Aphrodite à Corinthe où se pratiquait un véritable culte de la prostitution, les quelque mille hiérodules, ces courtisanes sacrées qui offraient leurs charmes aux fidèles recherchant à se rapprocher du divin à travers l’acte de chair, se voyaient interdire toute consommation d’ail. En revanche, elles le proposaient sous diverses formules pour améliorer la virilité de leurs clients !
– • Ail des orgies. Dans l’Antiquité, les Bacchanales étaient des fêtes orgiaques dédiées à Bacchus (Dionysos), dieu du vin. Elles étaient l’occasion de tous les excès et caractérisées par grande une liberté sexuelle. Durant ces fêtes, les gargottes de Rome proposaient des potages à base d’ail supposés donner de l’ardeur à ceux qui les consommaient. À l’inverse, durant les Tesmophories, fêtes dédiées à Déméter (Cérès), la déesse de l’agriculture et de la fécondité, les femmes devaient rester chastes pendant neuf jours (la semaine précédentes et les trois jours de célébration). Elles croquaient alors de l’ail frais pour éloigner les hommes trop entreprenants par leur seule haleine devenue fétide.
• Ail des Saturnales. Au moment du solstice d’hiver, les Romains célébraient Saturne à l’occasion de grandes fêtes débridées où tous les excès étaient permis. Ils fabriquaient alors des aphrodisiaques avec du jus d’ail pressé associé à des graines de coriandre (Coriandrum sativum). C’est ce que rapporte Pline (23-79), qui évoque aussi le fait que consommer chaque jour trois tranches de pain frottées à l’ail augmenterait le volume des testicules…
• Ail d’Horace. Il y a aussi le revers de la médaille avec l’ail. On dit que son odeur fut à l’origine de la rupture entre le poète grec Quintus Horatius Flaccus (-65 à -8), un épicurien qui préconisait la prostitution pour que l’homme se préserve sur le plan émotif et la courtisane Lydia qu’il évoque dans son œuvre (Odes I, 36-38). Ces amours ont été immortalisées en 1850 par un poème d’Alfred de Musset (1810-1857) qui a été mise en musique en 1886 avec une pièce pour deux voix et piano de Jules Massenet (1842-1912).
• Ail d’Ulysse. Dans l’épopée grecque d’Homère, l’Odyssée (8 siècle av. J.-C.), c’est grâce à de l’ail sauvage appelé à l’époque môlu, qu’Ulysse séduisit Circé, la magicienne vivant sur l’île d’Ééa. Au lieu de le transformer en pourceau, comme elle l’avait fait avec ses compagnons, elle se mit à genoux devant le héros et lui dit : « rentre au fourreau ton glaive et montons sur ma couche »…
• Ail d’Ovide. Le poète latin (-43 à 17 ou 18) décrit dans « l’Art d’aimer » (1 av. J.-C.) sont initiation à l’art de l’amour et de la séduction, une pommade à base d’ail et de graisse dont il faut s’enduire le pénis pour améliorer la performance. Cette recette se retrouve plus tard en Inde.
• Ail des couples. Dans la France médiévale, le matin de la nuit de noce on servait autrefois aux jeunes mariés, une soupe à l’ail pour ses effets aphrodisiaques et pour assurer la fertilité au couple. Les jeunes gens fougueux et conquérants préféraient dévorer un ragoût à l’ail qui était réputé leur assurer une nuit amoureuse sans aucune faiblesse.
• Ail des moines. Les moines du Moyen-Âge assuraient que l’ail « asséchait la semence ». En fait, en raison de la sérotonine (un neurotransmetteur) que contient la plante, une forte consommation d’ail pourrait aider à retarder le moment de l’éjaculation.
• Henri IV, le Vert galant, aurait été baptisé par son grand-père avec du vin de Jurançon et une gousse d’ail. Selon certains parchemins, le roi aurait entretenu quelque 57 maîtresses et conçu pas loin de 24 enfants ! Il ne se séparait jamais de quelques gousses d’ail lorsqu’il rendait ses visites galantes afin de pouvoir honorer comme il se doit ses nombreuses conquêtes féminines. Il consommait couramment au déjeuner une omelette farcie de gousses d’ail et au dîner de tartines beurrées couvertes d’ail pilé. Cet engouement pour l’ail lui valut de la part de ses proches, de le décrire comme ayant « une haleine à terrasser un bœuf à vingt pas. »
• Au Moyen-Orient. Le jeune marié porte encore parfois une gousse d’ail à sa boutonnière, destinée dit-on à lui assurer une nuit de noces bouillonnante !
• Ail et Kamasutra. Dans l’ouvrage (aphorismes du désir) écrit au sixième siècle par le brahmane Vâtsyâyana, un ail local, le kshirakapoli, entre dans la composition d’un élixir capable de « jouir d’une quantité innombrable de femmes ».
• Dans le Talmud. Il est dit dans ce texte fondamental du judïsmeque l’ail rend le sperme plus abondant.
Voici divers conseils recueillis ici et là dans la littérature évoquant l’utilisation de plantes supposées aphrodisiaques. Faites-en ce que vous voulez…
• Ail cru le soir. C’est ainsi qu’il faut le consommer car on considère que la cuisson retire une grande partie de ses vertus stimulantes. Hachez deux gousses d’ail avec quelques branches de persil et un peu d’huile d’olive et faites-en une tartine.
• Ail malodorant Si l’odeur puissant vous dérange dans vos ébats (ou plutôt incommode votre partenaire), neutralisez-la en croquant quelques grains de café, d’anis vert, de cumin ou de cardamome, voire une branche de persil. Vous pouvez aussi enlever le germe central de chaque gousse pour réduire le parfum alliacé.
• Aillade de minuit. C’était une tradition provençale consistant lors de la nuit de noce, de surprendre le jeune couple au cœur de ses ébats pour leur faire avaler de gré ou de force une soupe « aphrodisiaque » fortement poivrée et aillée.
• Vin d’ail. Une recette datant du dix-neuvième siècle précise que l’ail vert est un très bon tonique pour l’amour, en accompagnement d’une bonne salade de chicorée sauvage. On faisait aussi boire à l’époque aux jeunes mariés, au cours du repas précédant la nuit de noces, un vin chaud dans lequel avaient macéré des tiges d’ail frais et des feuilles d’absinthe. Cette mixture était réputée garantir de bonnes performances. Par la suite, la « cure d’amour » consistait à en boire chaque jour un verre le matin et un le soir.
Dans le langage argotique, « sentir l’ail », « taper l’ail », « aimer l’ail » ou « manger de l’ail », c’est appartenir au « club de Sapho ». Et « faire la cuisine à l’ail » est une manière indirecte de dire que deux femmes vivent ensemble. Quant aux « gousses », elles ont désigné successivement les prostituées, les nymphomanes et les lesbiennes.
Selon Jacques Bernardin Henri de Saint-Pierre (1737-1814) : « l’ail dont l’odeur est si redoutée de nos petites maîtresses, est, peut-être, le remède le plus puissant contre les vapeurs et les maux de nerfs auxquels elles sont si sujettes. » On disait à l’époque : l’ail calme les passions hystériques et les convulsions de la matrice, tout en activant la venue des « fleurs de sang ».
Et pour terminer en beauté, voici ce que l’on pouvait lire sur l’ail au dix-septième siècle, dans un ouvrage publié par l’école de médecine :
« Quand un homme au lit se repose
Et qu’il ne peut baiser sa femme qu’une fois,
Qu’il mange ail et poireaux, il doublera la dose,
Même la nuit suivante, il la baisera trois. »
(Claude Dufour de la Crespelière, 1625-1680, médecin français, Traité des aliments et de leurs propriétés, 1671)