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Acariens :s'y habituer

Si vous exposez des souris à une protéine de l'acarien, elles ne développeront plus d'asthme allergique. Cela fait rêver d'une future cure d'accoutumance préventive contre l'asthme. En particulier, les enfants présentant un risque élevé de contracter la maladie en bénéficieraient.

Crédit photo :Gilles San Martin.

Quiconque va dormir ce soir le fera sur un lit de millions d'acariens rampants. Ces acariens se régalent de nos peaux mortes et ne nous font aucun mal, mais malheureusement de plus en plus d'enfants y deviennent allergiques. L'allergie aux acariens est la principale cause d'asthme. Une fois que vous avez cette maladie, il est difficile de s'en débarrasser. Au VIB-UGent, nous avons réussi à prévenir le développement de l'asthme chez la souris avant que la maladie ne devienne grave, et ce, de manière assez surprenante, grâce à une accoutumance préventive à une seule protéine d'acarien.

Excréments d'acariens et souris

La réaction allergique aux acariens n'est en fait pas causée par les acariens eux-mêmes, mais par un mélange complexe de protéines et d'autres substances qu'ils laissent derrière eux sous forme de ... boules de caca. Nous avons construit une protéine importante à partir des excréments d'acariens et avons fait en sorte que des souris l'inhalent à plusieurs reprises à fortes doses. Nous ne savions pas pourquoi à l'époque, mais cette seule protéine les protégeait complètement du développement de l'asthme lorsqu'ils étaient ensuite exposés à l'ensemble des excréments d'acariens. Une sorte de cure d'accoutumance, donc.

Acariens :s y habituer

La production de mucus dans les voies respiratoires des souris asthmatiques (violet, à gauche) est complètement absente chez les souris qui se tournent d'abord vers les acariens (à droite).

Oups

L'appel à la prévention des allergies se fait de plus en plus pressant. Après tout, le nombre de personnes souffrant d'allergies a augmenté de façon exponentielle au cours du dernier demi-siècle et continue d'augmenter. Près d'un enfant sur dix né aujourd'hui en Belgique développera plus tard une forme d'asthme. Toutes allergies confondues, c'est même une personne sur trois !

Près d'un enfant sur dix né aujourd'hui en Belgique développera plus tard une forme d'asthme

De plus, l'asthme allergique est difficile à guérir car notre système immunitaire a une forte mémoire. L'allergie survient lorsque notre propre système immunitaire considère à tort qu'une substance inoffensive est dangereuse et tente de l'attaquer. Cela conduit à une inflammation des poumons. Notre système immunitaire stocke alors obstinément cette réponse erronée dans sa mémoire comme un faux souvenir. Les bouffées d'anti-inflammatoires peuvent partiellement inhiber les symptômes respiratoires, mais elles ne guérissent pas la maladie.

Empêcher un tel souvenir de surgir semble plus efficace que d'essayer de l'effacer ensuite. Nous sommes aussi progressivement en mesure de mieux estimer quels enfants ont un risque élevé de développer de l'asthme. Cela ouvre la voie à des traitements préventifs pour ces patients à haut risque.

Prendre un peu d'air frais à la maison

L'idée d'accoutumance aux substances allergiques n'est pas nouvelle et est déjà utilisée chez certains asthmatiques adultes. Ils reçoivent ensuite un type d'excréments d'acariens transformés via des injections mensuelles sous la peau ou une pilule fondante quotidienne sous la langue. C'est ce qu'on appelle "l'immunothérapie spécifique à l'allergène". En raison de la lente accoutumance, le mauvais souvenir est lentement effacé dans le système immunitaire. Cette méthode peut effectivement réduire les symptômes de l'asthme, mais présente également des inconvénients importants :par exemple, un traitement moyen dure facilement de trois à cinq ans, le succès n'est pas garanti et les méthodes actuelles ne sont pas suffisamment sûres et pratiques pour un traitement préventif.

L'immunothérapie actuelle spécifique aux allergènes présente des inconvénients importants :un traitement moyen dure facilement de trois à cinq ans et le succès n'est pas assuré

Notre stratégie peut changer cela. Après tout, nous avons obtenu une protection avec une seule protéine d'acarien, au lieu d'excréments d'acariens transformés. Cela rendrait un traitement plus contrôlable et donc plus sûr.

De plus, la simple inhalation de la protéine était suffisante pour la protection. Étant donné que l'asthme se développe généralement à un âge très précoce, la forme posologique doit être pratique pour les nourrissons et les tout-petits. Ce n'est pas le cas des formes actuelles d'immunothérapie :d'une part, les tout-petits ne peuvent pas encore prendre correctement les pilules fondantes, et d'autre part, il faut les amener chez le médecin à chaque injection, situation lourde lorsque l'enfant n'est pas – pourtant – malade. En revanche, l'inhalation de médicaments peut facilement se faire à la maison avec des nébuliseurs, sorte de 'bouffées pour bébés'.

Système immunitaire à couper le souffle

Lors d'une recherche de suivi, nous avons examiné exactement comment l'accoutumance s'est produite et avons découvert que la maladie est étouffée dans l'œuf à un stade très précoce :le mauvais souvenir ne se forme tout simplement jamais. Les cellules dites éclaireuses de notre système immunitaire, qui contrôlent la formation de cette mémoire, deviennent moins alarmées à la suite de l'accoutumance.

Les cellules dites éclaireuses de notre système immunitaire sont moins alarmées par l'accoutumance préventive

Les cellules scoutes ressemblent à des pieuvres ambulantes. Ils scannent en permanence les voies respiratoires avec leurs tentacules et captent les substances inhalées. Ils voyagent ensuite vers les ganglions lymphatiques, le siège de notre système immunitaire. Là, ils transfèrent les informations du monde extérieur aux globules blancs. Par exemple, si la poussière inhalée est inoffensive, cela ressemble à ceci :"J'ai trouvé des poils de chat ici, donc pas de quoi s'inquiéter !". Cependant, si une substance dangereuse est détectée dans les poumons, d'autres cellules pulmonaires commencent à envoyer des signaux de danger. Ces signaux sont également captés par les cellules de reconnaissance. Ils deviennent alarmés et le message au siège sonne soudainement complètement différent, par exemple :« Au secours ! Une invasion parasitaire !", après quoi les globules blancs entrent en action.

Acariens :s y habituer

Les cellules scoutes dans les poumons captent les substances inhalées avec leurs tentacules. L'accoutumance préventive les rend moins susceptibles de sonner l'alarme. Photo :Adapté de Servier Medical Art.

Envoyer correctement les signaux de danger dans les poumons est un véritable exercice d'équilibriste, et c'est là que les choses tournent mal chez les asthmatiques :leurs cellules pulmonaires émettent trop de signaux de danger en réponse aux excréments d'acariens. Cela alarme les cellules scoutes, avec des conséquences désastreuses. L'accoutumance préventive bloque ce déclenchement excessif d'un type important de signal de danger et donc l'alarme des cellules scoutes. Le mauvais souvenir n'est alors plus formé et les souris restent en bonne santé.

Musique du futur

Éviter les substances allergiques est totalement inutile pour les enfants non allergiques, c'est clair depuis un certain temps. Nos résultats montrent maintenant que l'accoutumance peut simplement réduire le risque d'asthme, du moins chez la souris. Cependant, cela ne signifie pas que nous devons maintenant renifler la poussière en masse dans notre chambre, car la dose, le temps et la présence d'autres substances provenant des excréments d'acariens jouent également un rôle important.

Cependant, ces connaissances peuvent être utilisées pour le développement d'une thérapie contrôlée. Les recherches futures devraient montrer si un tel traitement fonctionne réellement et, surtout, est sûr chez les personnes, et en particulier chez les jeunes enfants. Malheureusement, de telles études durent au mieux quelques années, nous devrons donc pour l'instant faire face à un traitement symptomatique pendant un certain temps. Mais nos études ont ouvert la voie à cette piste prometteuse.

Eline Haspeslagh a été nominée pour la Flemish PhD Cup. Découvrez-en plus sur ses recherches sur www.phdcup.be.


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