Le muguet de mai, appelé parfois lis des vallées qui est la traduction de son nom vernaculaire anglais (lily of the valley), est nommé par les botanistes Convallaria majalis. C’est la seule espèce de ce genre, que le classement phylogénétique fait appartenir à la famille des Asparagaceae et la classification classique à celle des Liliaceae.
Prospérant naturellement dans les forêts et les sous-bois lumineux des régions tempérées de l’hémisphère Nord, le muguet est une petite plante vivace qui s’étale grâce à des rhizomes souterrains d’où émergent deux feuilles ovales et pointues. Les tiges florales portent des petites fleurs en forme de clochettes très odorantes et d’un blanc pur. Après la floraison en mai et en juin apparaissent des baies rouges. D’une saveur sucrée, elles sont attractives pour les enfants. Mais prudence, elles sont fort toxiques et leur ingestion entraîne systématiquement de graves troubles digestifs.
On appelle aussi parfois le muguet « Gazon de Parnasse », car une vieille légende veut que la plante ait été créée par Apollon, dieu du mont Parnasse, qui aurait utilisé cette vivace couvre-sol pour former un tapis parfumé digne d’être foulé par les pieds délicats des neuf muses qui l’entouraient.
Le muguet, plante d’un seul jour
Au bois de Chaville, le renouveau du muguet porte-bonheur
Il fallut attendre les années 1900 pour que la tradition ressurgisse. En ce tout début de siècle, dans les bois de Chaville près de Paris, une fête fut donnée par des grands couturiers. Clientes, fournisseurs, petites mains et quelques curieux participaient aux réjouissances. Tous les convives, aisés ou pauvres, célèbres ou anonymes, se virent offrir comme cadeau un modeste brin de muguet.
La riche cliente, plus habituée aux gerbes et aux fleurs rares, apprécia moyennement d’être honorée au même titre que l’ouvrière et elle se hâta d’oublier cette journée festive considérée de mauvais goût. Mais l’ouvrière fut sensible à ce geste délicat. Et chaque année, elle retourna dans les bois, pour offrir à son tour quelques brins de muguet sauvage à son entourage. Cette fleur devint alors très populaire et chaque année, des milliers de promeneurs se mirent à prospecter les sous-bois pour cueillir le plus possible de fleurs devenues le symbole des travailleurs. Victime de son succès, le muguet disparut alors de tous les bois de la région parisienne !
Au dix-huitième siècle, le muguet prospérait dans tous les lieux où les conditions de vie lui étaient favorables, à savoir les zones humides et ombragées des bois et des vallées. On évoquait alors la plante dans tous les ouvrages de botanique et dans tous les livres de médecine. Comme pour la quasi-totalité des végétaux à l’époque, on prêtait au muguet quantité de vertus thérapeutiques. Voici d’ailleurs dans son texte d’origine ce que l’on écrivait dans un ouvrage médical paru en 1782 : « Le muguet (Lilium convallium) est une plante fort connue et dont la fleur est en usage en médecine. Le muguet est chaud, defficatif et scéphalique. Son usage est dans les maladies froides de la tête à savoir : l’apoplexie, la paralysie, le vertige, l’épilepsie et la lipothymie. »
Et d’ajouter dans le même ouvrage :« On fait une eau simple des fleurs, un esprit-de-vin, une conserve, une huile par infusion dans la vieille huile, une poudre flernutatoire, des fleurs pulvérisées. On prépare le suc de muguet, en forme d’huile, de la manière qui suit : on remplit de fleurs de muguet un vaisseau qui se ferme bien avec soncouvercle, puis on enfouit le tout dans un tas de fumier, jusqu’à ce que les fleurs se répandent en suc. Il est anodin et excellent contre la goutte et l’herpès. » On imagine sans peine les dégâts causés par la consommation d’un végétal connu pour sa toxicité ou préparé de manière imprécise par des apprentis sorciers…
Une fleur innocente qui renferme de redoutables poisons
S’il est exact que le muguet possède des vertus tonicardiaque et diurétique avérées, il est tout aussi vrai que la convallarine, la convallamarine et la convallatoxine, alcaloïdes contenus dans tous ses organes, font de cette fleur d’apparence bien innocente l’une des plus toxiques qui soit. Fort heureusement, les hommes de science connaissent ses propriétés et ont su, grâce à des traitements appropriés et des doses adaptées, transformer la dangerosité du muguet pour fabriquer des médicaments utiles à soigner certains problèmes cardiaques. Mais malheur à celui qui reste persuadé que la nature ne produit que des plantes innocentes ! L’ingestion de muguet, après avoir provoqué des troubles digestifs, des vomissements, des diarrhées, risque de vous conduire directement au cimetière. Un porte-bonheur qu’il faut donc savoir traiter avec respect et prudence…
Si un adulte sain d’esprit n’a aucune raison valable de consommer les feuilles du muguet, nous sommes tous, en revanche, tentés de nous délecter des senteurs qu’exhalent ses petites clochettes et de les respirer à pleins poumons. Dès le seizième siècle, le muguet a été utilisé pour l’élaboration des parfums. Les belles élégantes se vaporisaient le visage, le corps et les vêtements avec cette fragrance fraîche et printanière. Les garçons qui se distinguaient aussi par leur élégance et l’emploi abusif de ce parfum étaient surnommés les « muguets ». Cette appellation péjorative a donné le verbe « mugueter » qui désigne l’action de faire la cour et de séduire, de manière peu virile. L’industrie des cosmétiques n’utilise pas les plants de muguet pour fabriquer les parfums et les savons car on ne peut pas l’obtenir par extraction ni par distillation. Le parfum unique de ces timides clochettes est donc remplacé par des substances synthétiques comme le terpinéol.
La région nantaise spécialiste incontetée du muguet
Incontournable pour célébrer le 1 mai, le muguet est aujourd’hui produit par des horticulteurs bien spécialisés. Nantes et la Loire Atlantique produisent environ 85 % des 60 à 100 millions de brins vendus en France chaque année. Suivent ensuite le Bordelais, le Nord et l’Île-de-France. S’il est toujours apprécié de repiquer dans le jardin les plantes en pot offertes en ce jour férié, il est aussi facile à l’amateur de végétaux de faire preuve d’originalité en installant dans un sol frais, riche et fertile le cultivar ‘Albostriata’ aux feuilles rayées ou encore ‘Flore Pleno’ aux fleurs doubles. Il existe aussi un muguet à fleurs rose pâle : Convallaria majalis var. rosea.
Si la tradition prétend qu’offrir du muguet est un acte porte-bonheur, il ne faut pas se précipiter. La petite plante déteste être cueillie au printemps. Gare à celui qui coupera en avril les tiges fleuries, ce n’est pas du bonheur qui l’attend mais le risque de perdre son plant de muguet ce qui présage du malheur pour l’année à venir !