Dans le langage traditionnel des fleurs, le muguet signifie : le retour du bonheur et c’est la symbolique qu’il traduit lorsqu’on l’offre au premier mai. Dans le langage amoureux, offrir à la demoiselle aimée quelques brins de muguet signifie : « rien ne te pare mieux que ta beauté » (en langage d’aujourd’hui, on dirait plutôt : « t’es canon » !). Le muguet est aussi considéré comme un symbole d’humilité et de chasteté en raison de la blancheur de ses fleurs aux clochettes pendantes qui courbent la tête avec modestie. Cette petite fleur délicieusement odorante évoque des sentiments purs et chargés d’émotion. Mais connaissez-vous l’origine de la tradition du muguet du premier mai ?
De nombreuses légendes évoquent le muguet. La plus ancienne s’inscrit dans la mythologie. Le muguet aurait été créé par Apollon, dieu du mont Parnasse, qui aurait composé avec cette fleur un tapis parfumé digne d’être foulé par les pieds délicats des neuf Muses qui l’entouraient. C’est ce qui vaut d’ailleurs à la plante son appellation poétique : « gazon de Parnasse ».
Selon une légende nordique, au moment de la création du monde, le muguet ornait chaque côté de la porte du paradis. Ses clochettes tintaient chaque fois qu’un brave homme passait car on pensait qu’en raison de sa pureté, le muguet était capable d’identifier les vertus et les bonnes consciences.
Mais depuis l’ère chrétienne, le muguet est associé à la Vierge Marie car il commence à former ses boutons floraux au moment de l’Annonciation (25 mars), fête qui commémore le message de l’ange Gabriel annonçant à Marie, qu’elle deviendrait la mère de Jésus. La blancheur virginale de la fleur au port incliné ainsi que son parfum délicat symbolisent l’humilité, la douceur et la piété. La fleur serait née de ses larmes versées au pied de la Croix, ce qui vaut au muguet le joli nom populaire de « Larmes de Notre Dame ». Le mois de mai, dédié à Marie est aussi considéré comme le mois des amours.
La tradition encore très présente de nos jours (il y a quasiment un stand de vente à chaque coin de rue dès le petit matin du premier jour de mai) viendrait de la région de Pierrelatte dans la Drôme. En 1560, l’enfant-roi Charles IX (1550-1574) accompagné de sa mère Catherine de Médicis (1519-1589) fut reçu par la noblesse de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Parmi les seigneurs se trouvait le chevalier Louis de Girard de Maisonforte qui fut chargé par la Reine d’une mission secrète en Italie.
De retour un an plus tard, Louis de Girard arriva à Fontainebleau pour faire son rapport le premier mai. Avant de se présenter devant les souverains, il cueillit un généreux bouquet de muguet dans la forêt et l’offrit comme porte-bonheur au roi et à la reine. Séduit par cette attention, Charles IX offrit à son tour un brin de muguet et ses vœux de bonheur à chacune des dames de la Cour et il souhaita qu’il en fût ainsi chaque année.
La tradition du muguet s’est ensuite perdue, bien que jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, le premier mai fut fêté avec une plante porte-bonheur ; mais elle variait selon les régions : aubépine, trèfle à quatre feuilles, coquelicot, etc. Le muguet a été remis à l’honneur au tout début du vingtième siècle, lorsque les couturiers parisiens organisèrent une fête dans le bois de Chaville (78) et ils en profitèrent pour offrir quelques brins à leurs clientes et à leurs petites mains. Cette coutume évolua en fêtes du muguet dans tout l’Île-de-France, avec corsos fleuris, élection de reines de beauté, etc.
Désormais, on a coutume d’offrir du muguet pour tous les événements heureux du mois de mai : mariages et baptêmes surtout, mais aussi anniversaires ou simple invitation entre amis. Il est aussi de bon ton que l’entourage d’une jeune maman se manifeste au premier mai lui offrant du muguet, la maison fleurie et parfumée devenant un présage de bonheur pour le bébé.
Certaines traditions associées au premier mai ont malheureusement tendance à se perdre doucement. C’est le cas des « bals du muguet » où les jeunes filles étaient vêtues de blanc, tandis que les garçons fleurissaient leur boutonnière d’un brin de muguet. L’usage voulait que la fleur soit offerte au cours de la soirée à l’élue de son cœur. Avant les années 1960, c’était le seul bal de l’année où les parents étaient bannis et où les jeunes se retrouvaient entre eux en toute liberté.
Aujourd’hui, certaines villes célèbrent encore cette tradition, mais dans une vision plus moderne, notamment Le Lavandou, Megève, Neuilly-sur-Marne, Saint-Jean-du_Gard, etc.
La fête du Travail que l’on célèbre dans de nombreux pays le premier mai, n’a rien à voir avec le muguet. Cette journée commémore l’action syndicale du 1 mai 1886 qui fit de nombreux morts à Chicago (le massacre de Haymarket Square) et à Milwaukee (massacre de Bay View) aux États-Unis, entraînant aussi l’arrestation, la condamnation et l’exécution de quatre syndicalistes.
Le 14 juillet 1889, les syndicats français ont proposé le premier mai comme fête internationale du travail, en hommage aux martyrs de Chicago et de Milwaukee. Mais à l’époque, ils avaient choisi l’églantine comme fleur symbole. Aujourd’hui, le muguet est tellement associé au premier mai que l’on arbore volontiers cette fleur dans les défilés syndicaux qui caractérisent aussi cette journée.
Le très complexe code des usages et de la bienséance attribue une symbolique bien particulière au muguet selon l’importance du bouquet… Sans oublier que Convallaria majalis, comme disent les botanistes est la plante qui est associée à 13 années de mariage (les noces de muguet).
• 1 brin : exprime des sentiments amoureux naissants ou constitue un témoignage de sympathie. Offrez donc un seul brin de muguet à celle (et pourquoi pas à celui) que vous désirez séduire.
Dans la haute société de jadis, la fleur était accompagnée d’un billet sur lequel était écrite l’une des deux phrases suivantes : « Amor patitur moras » : l’amour est patient ou « Omnia vincit amor » : rien ne peut vaincre l’amour.
• 3 brins : gage d’amitié et de joie, c’est la forme la plus couramment proposée (notamment en pot). On l’offre à ses amis, hommes ou femmes sans arrière-pensée, mais aussi à ses collègues. Attention : un homme n’offre du muguet qu’à ses collègues femmes, en revanche, les dames n’ont pas de contraintes.
• 13 brins pour un bonheur éternel. C’est le « vrai » bouquet de muguet, celui que l’on offre à l’élu(e) de son cœur, toujours accompagné d’une citation ou d’un poème. Par exemple :
«…Accepte ce brin de muguet.
Prends cette fleur que j’ai choisie
Sur ton sein qu’elle aille mourir ;
C’est la plus fraîche poésie
Que je puisse aujourd’hui t’offrir… »
(Charles Frémine (1841-1906) Floréal 1870)
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