Dix-huitième jour du mois de pluviôse dans le calendrier républicain français, le 6 février est officiellement dénommé jour de l’if. Pour les botanistes, ce conifère appartient à la famille des Taxaceae et au genre Taxus se décline en neuf espèces et trois variétés naturelles. Créée en 1822 par le botaniste britannique Samuel Frederick Gray (1766-1828), la famille des Taxaceae comprend six genres : Amentotaxus (6 espèces), Austrotaxus spicata, Cephalotaxus (8 espèces), Pseudotaxus chienii, Torreya (6 espèces) et bien sûr Taxus.
L’if fait partie des rares gymnospermes (plantes à graines dont l’ovule n’est pas contenu dans un ovaire) non résineux. Il se distingue aussi de la plupart des conifères par le fait que la graine (en fait l’ovule nu, très toxique) n’est pas contenue dans un cône ligneux mais dans un arille (enveloppe charnue) ovoïde, dont la chair rouge et sucrée, mucilagineuse est la seule partie non toxique de la plante et dont se délectent les oiseaux. Bien qu’on le considère souvent comme tel, l’arille n’est pas d’un fruit car il ne renferme pas d’ovaire. Il s’agit du tégument de la graine qui s’est hypertrophié. Le nom d’espèce de l’if commun : Taxus baccata vient du latin baccatus , qui porte des baies.
Les ifs sont dioïques, c’est-à-dire que les organes mâles et femelles sont portés par des plantes différentes. Les discrètes fleurs mâles insérées à l’aisselle des feuilles, libèrent, de février à avril, un abondant pollen jaune au printemps. L’if est une plante anéomogame, la pollinisation s’effectuant par le vent. Une fois fécondée, chaque fleur femelle, à l’aspect de bourgeon verdâtre, donne une graine enveloppée de son arille colorée que l’on peut observer de juillet à octobre. Les arilles de l’if sont appréciés des oiseaux, qui se chargent involontairement de la dispersion des graines (ornithochorie) car leur système digestif ne les assimile pas.
Bien qu’il dépasse rarement 20 m de haut, l’if, s’il n’est pas taillé, développe une ramure ample à la cime arrondie, mais sa croissance est très lente. L’arbre développe souvent des troncs multiples et noueux, à l’écorce brun-rouge qui s’exfolie en vieillissant. Contrairement à la majorité des conifères, l’if ne porte pas des aiguilles, mais des feuilles de 2 à 4 cm de long, plates et souples, disposées en spirale autour de la tige. Vert très foncé dessus, elles sont beaucoup, plus claires au revers. Leur longévité est de 7 à 8 ans.
Le genre Taxus a été créé en 1754 par le naturaliste Suédois Carl von Linné (1707-1778). Ce nom désignait déjà la plante dans l’Antiquité. Il est sans doute dérivé du latin toxicon, toxique. Les Romains, puis les Gaulois empoisonnaient leurs flèches avec le jus des feuilles d’if écrasées. Jules César (-100 à -44) rapporte dans Commentaires sur la Guerre des Gaules (Livre V, chapitres 24 et 26, Livre VI, chapitre 31) que le roi des Éburons, Catuvolcos, qui occupaient une partie de la Belgique actuelle, s’empoisonna avec de l’if en 53 av. J.-C.
Toutes les Taxacées contiennent une substance toxique complexe : la taxine, qui se décompose en six alcaloïdes. Découverte en 1856, c’est une substance cardiotoxique qui agit aussi sur le centre respiratoire des animaux à sang chaud. Outre la taxine, l’if contient des huiles volatiles responsables d’une irritation de l’estomac et des intestins.
La taxine reste active après cuisson, séchage ou conservation de la plante. Les feuilles sont les parties de l’if qui en contiennent le plus. La teneur en taxine s’élève à mesure que la saison avance. Elle semble à son apogée sur le feuillage desséché. La taxine se trouve également dans les graines qui doivent être mâchées pour libérer le poison. On rapporte aussi que nombre de chevaux, qui étaient jadis utilisés pour tirer des corbillards, périrent après avoir mangé des feuilles d’if en attendant près du cimetière la fin des cérémonies.
Est-ce sa longévité qui en ferait un symbole d’immortalité ? Le fait est que l’if a toujours été associé aux cimetières. Même les Égyptiens le considéraient comme un symbole de deuil. Par ailleurs, dans le calendrier des arbres qu’affectionnaient les Celtes, le jour de l’if, arbre sacré pour les druides, correspond à celui de la Toussaint. Ils pensaient que l’if assurait la liaison entre les morts et les vivants.
Outre le respect que l’homme a toujours montré pour cet arbre, très lent à se développer, c’est surtout son feuillage éternellement vert qui symbolise l’immortalité. Il est donc logique que, dans le langage des fleurs, l’if exprime le chagrin.
La légende veut aussi que les racines des ifs pénètrent dans la bouche des cadavres et contribuent ainsi à la résurrection. Les Grecs et les Romains partageaient l’idée que l’if est à la fois un symbole de mort et de résurrection. Cet arbre était consacré à Hécate, la déesse de la lune noire, qui symbolise la mort. Au milieu de l’été pour les fêtes des Saturnales, les Romains sacrifiaient à Hécate des taureaux noirs décorés de guirlandes formées de branches d’ifs, dans l’espoir que la déesse, apaisée par le sang des animaux sacrifiés, leur offrirait un hiver clément.
De nos jours, l’if d’Europe est associé au dimanche des Rameaux où il peut remplacer le buis en tant que plante à bénir.
Certains pensent que l’if serait quasi immortel, dans la mesure où les vieux sujets possèdent la particularité de se marcotter naturellement. Ils laissent pendre leurs branches vers le sol où elles s’enracinent, produisant de nouvelles pousses, tandis que la partie la plus ancienne se creuse, finissant même par disparaître. C’est ainsi que l’on observe parfois des « tunnels d’ifs » naturels, constitués de parties d’un arbre qui se sont régénérées au fil des décennies. Ces formations sont particulièrement spectaculaires au Royaume-Uni.
Imputrescible, le bois de l’if est à la fois très dur et très souple. Il a été utilisé dès la préhistoire (400 000 ans) pour fabriquer des épieux et des lances, puis on en a fait des arcs et divers objets usuels. Résultat : les principales forêts d’ifs avaient disparu dès le Moyen-Âge (après la Guerre de Cent Ans), d’autant que les agriculteurs arrachaient ces arbres pour éviter que leur bétail ne s’empoisonne.
Les peuplements sauvages sont aujourd’hui très rares. Celui du massif de la Sainte-Baume (Bouches-du-Rhône) est un des plus importants, des ifs, parfois très âgés, y cohabitent avec des hêtres (Fagus sylvatica) et des houx (Ilex aquifolium).
Le bois bicolore (marron clair à la périphérie, brun orangé foncé au cœur) de l’if le fait rechercher par les sculpteurs et les ébénistes qui l’emploient en marquetterie.
En raison de sa croissance lente et de sa faculté à supporter les tailles les plus drastiques, car il reperce fort bien sur le vieux bois, l’if fait partie des meilleures plantes pour les haies régulières. C’est aussi (avec le buis), l’essence de prédilection pour l’art topiaire et on trouve dans les jardins historiques de nombreuses formes géométriques ou des figurines végétales sculptées dans des ifs.
• Attention, plante potentiellement allergisante. L’If est parfois responsable d’irritation de la peau lorsqu’il y a contact avec les feuilles, lors de la taille des haies par exemple. Ce phénomène est observé chez 3 % des jardiniers environ.
La croissance de l’if en diamètre est particulièrement lente. Il grossit de 1,2 à 1,5 cm par an durant les 80 premières années de sa vie, puis de 0,15 à 0,5 cm par an durant les 500 années suivantes, avant de ralentir encore sa pousse ! Parmi les observations les plus fiables, l’if de Selborne, dans le Hampshire en Angleterre (décapité par une tempête en 1990), mesurait 2,23 m de diamètre en 1789 et 2,51 m en 1984 (il n’a donc gagné que 28 cm de diamètre en 195 ans !). Son âge était estimé à 1 400 ans !
Très résistants au froid, les ifs s’accommodent de tous les types de sols, même calcaires, à condition qu’ils soient bien drainés. Ils poussent aussi bien à l’ombre qu’au soleil. Seules les régions très humides et les expositions brûlantes ne leur conviennent pas. L’if supporte bien l’air pollué des villes et les embruns. Il ne craint pas les courants d’air et en raison de sa croissance lente, il est possible de le cultiver plusieurs années en bac (40 cm de côté).
Les ifs installés en isolé s’espacent différemment selon les espèces et les cultivars. Pour les haies plantez un pied tous les 50 cm. Dans les régions très sèches, il peut être valable de pailler le sol avec de la matière organique à la fin du printemps. Par temps de canicule, une bonne douche du feuillage le soir est toujours appréciée.
La sève circulant sous une écorce particulièrement mince, l’if ne semble guère affecté de vivre avec un tronc totalement creux, ce qui est le cas de la quasi-totalité des vieux sujets.
Les ifs sont généralement très résistants, mais ils craignent la pourriture des racines (Phytophthora cinnamomi). Les tordeuses, les otiorhynques et les cochenilles peuvent engendrer quelques dégâts, le plus souvent mineurs.
• Attention : un if dont le feuillage jaunit de façon inhabituelle indique qu’il est trop arrosé ou cultivé dans une terre trop compacte.