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Avis. Le bilan énergie-climat :mieux équilibrer avec le charbon

Les géologues Kris Piessens et Kris Welkenhuysen regrettent que le secrétaire d'État Wathelet ignore l'option du stockage du CO2 dans son nouveau plan énergétique.

Avis. Le bilan énergie-climat :mieux équilibrer avec le charbon

Géologues Kris Piessens et Kris Welkenhuysen regrettent que le secrétaire d'Etat Wathelet ignore l'option du stockage du CO2 dans son nouveau plan énergétique. Produire de l'énergie à partir du charbon sans impact sur le climat semble une tâche impossible, mais les émissions de CO2 ne doivent pas nécessairement se retrouver dans l'atmosphère. Au lieu de cela, il peut être stocké profondément sous terre.”

Le secrétaire d'État Wathelet a un plan énergétique. Cela devrait être l'actualité mondiale en Belgique, mais à part quelques mentions occasionnelles, cela s'est glissé dans et hors des reportages sans être remarqué.

Le plan indique comment la Belgique veut se positionner dans un monde où nous savons que le changement climatique est un fait, mais nous n'avons toujours pas de plan d'action international prêt. Le plan Wathelet semble assez clair sur ce que la Belgique entend faire. Trois points centraux sont :un report partiel de la sortie du nucléaire, la prise de conscience que malgré la croissance des énergies renouvelables, il y a un besoin de plus d'électricité, et donc le soutien à la construction de nouvelles centrales au gaz naturel efficaces pour garantir que les lumières ne sortez pas.

Ce dernier en particulier semble très rassurant, et avec cela tout semble bien arrangé jusqu'en 2025. Mais le titre 'An Inconvenient Truth' vous dit-il quelque chose ? C'était le documentaire du candidat présidentiel Al Gore sur le gigantesque défi climatique auquel nous étions confrontés. Depuis, la concentration en CO2 n'a cessé d'augmenter, et a récemment facilement franchi le seuil symbolique des 400 ppm. Dans ce contexte, jetons un autre regard sur le plan Wathelet et devenons mal à l'aise avec la réalité qu'il fait tourner.

Le plan voit correctement qu'en raison de limitations pratiques, nous ne pouvons pas simplement passer aux énergies renouvelables. L'utilisation du gaz naturel comme capacité de production supplémentaire présente de nombreux avantages. Les centrales électriques peuvent être construites assez rapidement, sont flexibles dans leur utilisation et émettent relativement peu de CO2 par rapport aux centrales électriques au charbon. Cependant, le gaz naturel est relativement cher, et l'électricité des centrales au gaz naturel sera plus chère.

À ce moment-là, le plan a déjà été critiqué. Mais le point fondamental n'est pas de savoir si nous devrons payer plus pour l'électricité à l'avenir. Après tout, la réponse est oui, car la réduction drastique des émissions de CO2 a un prix. L'essentiel est de savoir si le plan Wathelet nous met sur une voie offrant des garanties suffisantes pour réduire nos émissions de CO2, et si le coût de l'électricité n'augmentera pas plus vite que dans d'autres pays.

Pour cela, nous devons regarder au-delà de 2025. Une certitude pour les acteurs du climat et de l'énergie :l'électricité devra être produite quasiment sans CO2 d'ici le milieu de ce siècle. Il existe également des incertitudes :de combien d'énergie aurons-nous besoin, quelles nouvelles technologies tiendront leurs promesses et lesquelles ne le feront pas, combien coûtera le carburant, etc.

Des modèles scientifiques complexes ont été développés pour voir à travers ce brouillard d'incertitudes économiques et technologiques. Notre propre modèle contient un large éventail de paramètres géologiques, techniques, économiques et politiques qui décrivent les conditions préalables et les incertitudes actuelles et futures. De tels modèles visent à démontrer, de manière objective, les avantages et les dangers des décisions prises aujourd'hui. Comme celui-ci dans le plan énergétique de Wathelet.

Si nous regardons les résultats de notre modèle, ils semblent très logiques. Le modèle indique d'abord qu'un plan énergétique réaliste pour la Belgique devrait miser sur au moins trois chevaux. L'énergie renouvelable est le premier cheval et le plus prometteur, c'est pourquoi il est le plus utilisé. Cependant, la capacité réelle d'un cheval à courir reste un pari, car chaque cheval devra encore grandir pendant la course. Afin d'atteindre la ligne d'arrivée avec la pleine charge et, si nécessaire, de soulager un cheval étonnamment faible en cours de route, le modèle scientifique recommande de répartir le reste de la charge sur au moins deux chevaux supplémentaires. Le gaz naturel n'est en fait que le troisième et le plus petit. Selon le modèle, le deuxième cheval est mieux choisi pour l'énergie nucléaire ou le charbon.

L'énergie nucléaire produit de l'électricité sans CO2, mais est par ailleurs une technologie très controversée. Le fait que le charbon puisse également jouer un rôle important dans une politique énergétique respectueuse du climat est souligné depuis des années par la Commission européenne et l'Agence internationale de l'énergie. Cela se reflète également bien dans les simulations pour la Belgique, et l'électricité issue du charbon est, de manière optimale, environ deux fois plus importante que celle issue du gaz naturel.

Produire de l'électricité à partir du charbon sans alourdir le climat semble une tâche impossible, car lorsqu'il est brûlé pour la même quantité d'énergie, le charbon dégage environ deux fois plus de CO2 que le gaz naturel. Cependant, ce CO2 ne doit pas nécessairement se retrouver dans l'atmosphère. Au lieu de cela, il peut être séparé et, après compression et transport, stocké dans des endroits appropriés dans le sous-sol profond.

Bref, le captage et le stockage du CO2 (CCS, abréviation de CO2 Capture and Storage) apparaît comme une solution plutôt fantaisiste, conceptuelle, voire farfelue. Le stockage du CO2 en particulier est rapidement considéré comme un problème insurmontable, également par les reporters d'EOS. Le sous-sol profond se trouve à plus d'un kilomètre sous nos vies quotidiennes, et c'est quelque chose dont nous ne savons pas grand-chose et donc dont nous nous méfions.

Pour les géologues, c'est un peu différent. Ils savent que le sous-sol est constitué de roches poreuses saturées d'eau salée et de roches non poreuses imperméables. Lorsqu'ils sont dans la bonne configuration, ils forment des systèmes isolés où le CO2, une fois injecté, entre dans un cycle naturel où il va très progressivement se dissoudre dans l'eau salée, et se déposer dans les pores. Trouver les sites de stockage adéquats et suffisants est un problème pratique plutôt qu'absolu.

De l'électricité respectueuse du climat peut être produite à partir du charbon grâce au CSC. Il peut également être appliqué aux usines de gaz naturel, mais en raison d'un certain nombre de facteurs purement économiques, cela coûte plus cher. En raison du seuil de coût élevé du CSC pour les centrales au gaz naturel, on s'attend à ce que les centrales au charbon commencent à adopter le captage du CO2 plus tôt et deviennent ainsi plus respectueuses du climat plus tôt que les centrales au gaz naturel.

Résumant tout cela en quelques mots, nous arrivons aux risques du plan Wathelet. En optant désormais exclusivement pour le gaz naturel, le risque pour le climat et l'économie augmente. Nous ne pouvons maintenant qu'espérer que les prévisions les plus optimistes concernant les énergies renouvelables sont correctes et que nous pourrons effectivement commencer à fermer les centrales au gaz naturel après 2025. Mais si nous ne sommes rien de moins que de la pure chance, il sera trop tard pour inverser les investissements et nous devrons continuer à émettre du CO2 à partir du gaz naturel pour produire de l'électricité. De plus, nous courons le risque que le prix du gaz naturel soit élevé et que notre électricité soit plus chère que dans des pays qui font aujourd'hui des choix différents et plus diversifiés.

L'électricité produite à partir du charbon est moins chère et moins nocive pour le climat à long terme. De plus, la biomasse peut également être utilisée dans les centrales électriques au charbon, ce qui offre la perspective unique de générer des émissions négatives de CO2 (stockage du CO2 de l'atmosphère dans le sous-sol). Mais ne vous méprenez pas, le charbon avec CSC n'est pas une solution magique, mais c'est une pierre angulaire qui peut apporter le soutien nécessaire à un plan énergie-climat prospectif et équilibré. Si cette pierre n'est pas posée maintenant, il y a de fortes chances que de nombreux travaux d'étaiement et de réparation ennuyeux soient nécessaires pour maintenir debout une construction pas trop attrayante.

Il semble y avoir une croyance politique selon laquelle quiconque touche au charbon se retrouve avec les mains sales. Mais cela ne rend pas moins urgent d'aborder le sujet et de le mettre sur la table politique.


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