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LAGUNARIA PATERSONIA, UN FAUX HIBISCUS VENU DU BOUT DU MONDE

Vous pouvez, au hasard de vos pérégrinations sur le littoral méditerranéen, rencontrer un beau jour de juin, un petit arbre agrémenté de fleurs évoquant celles d’un Hibiscus rosa-sinensis, mais portant des feuilles tout à fait différentes. Vous aurez remarqué son organe proéminent au centre de la fleur et ses cinq pétales, généralement récurvés. Sûr que la plante ne passe pas inaperçue, mais même en feuilletant des livres sur les plantes des jardins du Midi, il est peu probable que vous en trouviez la description. Chez nous, c’est en effet une espèce rare, introduite depuis l’Australie, mais qui a bien des difficultés à s’acclimater.

Hommage  un botaniste espagnol

Appartenant à la famille des Malvaceae, Lagunaria patersonia a d’abord été nommé en 1803 : Hibiscus patersonius par l’illustrateur et botaniste britannique Henry Charles Andrews (1794-1830), puis Hibiscus  patersonii en 1812, le fameux botaniste écossais Robert Brown (1773-1858), avant que le genre monospécifique Lagunaria ne soit créé en 1828 par Heinrich Gottlieb Ludwig Reichenbach (1793-1879) qui, sous cette dénomination a souhaité honorer la mémoire du médecin et botaniste espagnol Andrés Laguna de Segovia (1499-1559) qui fut à l’origine de la création du jardin botanique royal de Madrid.

On trouve dans certains écrits mention du genre Lagunaea créé en 1791 par Johann Christian Daniel von Schreber (1739-1810), mais qui n’est pas reconnu officiellement. Quant à l’appellation Solandra squamea parfois rencontrée, elle a été donnée en 1806 par le Français Jean-Louis Marie Poiret (1755-1834), mais elle est franchement erronée, cette espèce n’étant même pas mentionnée dans la liste officielle des différentes dénominations spécifiques du genre Solandra.

Lagunaria est un genre monospécifique

Lagunaria patersonia est la seule espèce du genre qui soit aujourd’hui validée par la nomenclature botanique internationale. La plante a été décrite et nommée en 1831 par le botaniste écossais George Don (1798 -1856). Il honore la mémoire du colonel australien William Patterson (1755-1810) militaire (colonel) et explorateur australien, passionné de botanique, qui fut le premier à faire parvenir des graines de cet arbre en Angleterre.  La plante est couramment présentée sous la dénomination erronée de Lagunaria patersonii, notamment par les pépiniéristes.

Les trois autres espèces répertoriées, sont considérées comme non valides, dont deux sont attribuées à George Don : Lagunaria cuneiformis décrit et nommé en 1831 est sans doute synonyme de Alyogyne cuneiformis et Lagunaria lilacina en 1839. Il en est de même pour Lagunaria queenslandica nommé en 2006 par Alan Lyndley Craven (1945-2015), mais qui pourrait bientôt être reconnu comme tel, son habitat étant différent, puisqu’il évite les forêts pluviales, préférant les rives des rivières et les criques.

 Faux hibiscus de l’île Norfolk

Lagunaria patersonia est originaire des îles Lord Howe (d’où provient aussi le palmier kentia, Howea forsteriana) et Norfolk, minuscules terres, respectivement de 14,6 et de 34,6 km, perdues dans l’océan Pacifique à l’est du continent australien. On le trouve aussi, sur le littoral des provinces du Queensland et de Victoria où il s’est naturalisé dans certains endroits. À l’ouest de l’Australie, Lagunaria petersonia se comporte parfois comme une espèce invasive perturbant la végétation spontanée, notamment dans l’estuaire de la Swan River et la région d’Augusta.

Arbre très décoratif mais peu rustique

En raison de ses grandes qualités ornementales, Lagunaria petersonia a été introduit dans de nombreuses contrées au climat subtropical, notamment l’Afrique du Sud, la Californie, le Costa Rica (où il semble s’être naturalisé), la Floride, Hawaii et le nord de la Nouvelle-Zélande.

Cet arbre de 12 à 20 m de haut, au tronc rugueux à l’écorce gris foncé, pousse dans les forêts pluviales. Assez peu rustique sous nos climats (minimum -5 °C durant de courtes périodes, mais les premiers dégâts du froid apparaissent dès -2 °C), il dépasse rarement 7 à 8 m en culture, adoptant un port plutôt pyramidal. Sa croissance lente le fait apprécier dans les petits jardins où on le rencontre parfois au bord de la Méditerranée.

Fleurs d’hibiscus aux couleurs changeantes

Lagunaria patersonia se pare d’un feuillage persistant abondant. Les feuilles ovales à oblongues, coriaces, écailleuses de 5 à 10 cm de long, sont vert olive dessus et vert grisâtre dessous. Elles présentent une texture soyeuse lorsqu’elles émergent de leur bourgeon (débourrement).

Les fleurs rose-mauve de 4 à 8 cm de diamètre, à la texture cireuse et d’aspect nacré, ressemblent à celles d’un hibiscus. Elles apparaissent à l’aisselle des feuilles en juin. Après avoir fané en devenant progressivement blanches. Les anthères couleur d’or ou orange, sont portées quasiment tout du long de la colonne staminale. Le style est blanc ou crème, couronné par cinq stigmates disposés en étoile.

Après fécondation par les insectes, les fleurs donnent des fruits secs et déhiscents (capsules) marron, dont les cinq valves renferment des graines réniformes brun orangé. La plante conserve durant plusieurs mois les fructifications desséchées.  Les semences sont enveloppées d’une bourre de fins poils blancs qui se comportent comme de la laine de verre. Leur contact irrite fortement la peau, provoquant des démangeaisons cutanées (poil à gratter). Cette propriété fait localement appeler la plante : « l’arbre qui démange » (itch tree).

Arbre décoratif pour le bord de mer

Lagunaria petersonia convient bien dans les régions littorales car il supporte les embruns, les sols salés, ainsi que les vents forts qui donnent une silhouette contournée aux spécimens les plus exposés. Il apprécie les sols bien drainés, plutôt acides et les expositions ensoleillées. Il ne faut surtout pas le planter dans une terre argileuse. Sa bonne tolérance à la sécheresse, lorsqu’il est adulte (en revanche il faut bien arroser les jeunes sujets) est appréciée dans les régions méditerranéennes.

Dans les régions subtropicales, on l’utilise couramment comme plante de haie car il bénéficie d’une croissance rapide et ses feuilles habillent les tiges sur toute leur longueur.

Cultiver un hibiscus de l’île Norfolk

Durant les trois premières années de plantation, il importe de bien protéger Lagunaria patersonia du froid, en l’emmaillotant l’hiver dans plusieurs épaisseurs de voile d’hivernage. Il faut en effet ne pas l’exposer au gel tant qu’il n’a pas développé un tronc et une ramure au bois bien dur.

Des pousses apparaissent en permanence le long du tronc, ce qui nécessite une taille régulière pour obtenir un sujet arborescent. En France, on ne connaît par de bioagresseurs au Lagunaria patersonia.

Acheter un Lagunaria patersonia

Cet arbre est rarement proposé par les pépinières françaises en raison de sa faible rusticité. Vous pourrez toutefois vous en procurer un jeune plant (sous le nom de Lagunaria patersonii) dans une pépinière spécialisée dans les plantes de collection, en cliquant sur le lien (texte en bleu, souligné).

 


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