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COMMENT LUTTER AU NATUREL CONTRE LA PYRALE DU BUIS ?

Redoutable ravageur présent en France depuis 2008, la pyrale du buis (Cydalima perspectalis ou Diaphania perspectalis) est un papillon d’origine chinoise dont les larves (chenilles) dévorent goulûment les feuilles et même l’écorce de toutes les espèces de buis. Les infestations sont particulièrement sévères par temps chaud.

Le développement très rapide de ce ravageur, dont la femelle peut pondre jusqu’à 1 200 œufs (800 en moyenne), en fait l’un des bioagresseurs les plus actifs dans nos jardins aujourd’hui. Actuellement, seules les régions les plus froides (Massif central, Alpes, Vosges, Jura) et les plus humides (Bretagne, Cotentin, Hauts de France) semblent ne pas être touchées par les attaques de pyrales. Mais il reste à peine une quinzaine de départements a priori épargnés, la progression géographique du ravageur s’étendant de plusieurs dizaines de kilomètres par an.

 

 

Des dégâts spectaculaires et souvent définitifs

En raison de l’appétit des chenilles, la virulence des attaques de la pyrale du buis surprend par sa rapidité et son intensité. En moins d’une journée, un buis adulte peut être entièrement défolié car les chenilles se nourrissent de feuilles dès leur éclosion et montrent un appétit féroce !

Les buis taillés se montrent plus sensibles que les arbustes laissés libres. En raison de ses feuilles plus tendres, le buis à bordure (Buxus sempervirens ‘Suffruticosa’) est la forme la plus appréciée par les pyrales.

Des chenilles affamées qui déciment les buis

Au dernier de leurs sept stades larvaires, les chenilles vert et noir mesurent à peine 4 cm de long. Elles sont alors parfaitement visibles car aussi plus actives. Il en est de même pour les dégâts très reconnaissables à la présence de fines soies que les chenilles tissent entre les feuilles dévorées avant de se nymphoser. Le buis présente alors un aspect décharné, avec des rameaux secs et dénudés.

Par temps chaud, inspectez vos buis deux fois par semaine en explorant l’intérieur de la plante à la recherche de pontes ou de chenilles aux premiers stades.

L’idéal est d’intervenir avant les symptômes

Totalement défoliée et parfois même son écorce ayant été rongée, la plante aura bien du mal à redémarrer. Pour éviter de perdre ses buis, le jardinier doit donc engager la lutte, avant même que les symptômes d’une attaque soient observés. Vous pouvez déceler la présence de papillons le soir en inspectant vos buis avec une lampe électrique car ils sont attirés par la lumière.

On commence aussi à trouver dans le commerce des pièges à phéromones brevetés par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) qui, en capturant des adultes mâles, réduisent les possibilités d’accouplements. Ils servent aussi et surtout d’indicateurs de la présence du ravageur, signifiant par conséquent l’opportunité de traiter.

Attention, les années chaudes et dans les régions méridionales, jusqu’à quatre générations peuvent se succéder dans l’année, la moyenne étant de deux à trois (avril/mai, juin/juillet et août/septembre). La bonne solution préventive consiste à utiliser un insecticide de biocontrôle à base de Bacillus thuringiensis.

Le traitement préventif avec la bactérie entomopathogène Bt

Le Bacillus thuringiensis var. kurstaki (Btk) est une bactérie naturellement présente dans le sol et sur le feuillage des plantes, qui produit des cristaux de protéines libérant une toxine dans l’intestin des chenilles. Cette substance corrode la paroi intestinale ce qui entraîne la paralysie des mâchoires de la chenille qui, ne s’alimentent plus dans les deux ou trois heures suivant l’ingestion de la bactérie et  meurent entre 2 et 5 jours plus tard.

Le Btk étant dégradé par la lumière (surtout les rayons ultraviolets), il se montre particulièrement efficace pour traiter les parties intérieures des buis, notamment chez les plantes sculptées (topiaires) : boules, cônes, spirales, figurines. Opérez de préférence tôt le matin ou en soirée afin d’augmenter la durée d’efficacité du traitement dont la persistance et de 1 à 4 jours.  La température doit être supérieure à 15 °C.

La toxine BT  agit principalement sur les larves de lépidoptères. Elle est sans danger pour les mammifères et les oiseaux et très faiblement toxique pour les abeilles. Ces dernières ne fréquentant pas les buis, il est possible d’utiliser le produit à tout moment. Le traitement dit être renouvelé en cas de forte attaque ou lorsque le temps est pluvieux.

Un traitement de choc à base d’extrait végétal

Lorsque les chenilles de la pyrale sont déjà présentes sur le buis, la seule solution efficace consiste à pulvériser directement sur les ravageurs un insecticide agissant par contact. Dans ce cas, seul l’extrait de fleurs sèches du pyrèthre de Dalmatie (Tanacetum cinerariifolium) est autorisé en culture biologique.

Cet insecticide naturel renferme six esters actifs (acides et alcools) qui attaquent le système nerveux des insectes et autres animaux à sang froid. Les pyréthrines naturelles ont un effet immédiat par contact et ingestion. Leur efficacité est renforcée par la présence d’huile de colza qui agit en tant que « mouillant », favorisant la bonne répartition du produit sur la plante et sur la chenille.

Le Pyrèthre naturel étant actif sur tous les insectes mais aussi sur les organismes aquatiques, il doit être utilisé de manière bien ciblée et ne pas être appliqué dans le voisinage d’un bassin. Évitez aussi de l’employer de mars à mai lorsque les abeilles viennent sur les buis pour consommer l’abondant nectar sécrété par les fleurs. Traitez bien à l’intérieur du buis et sous les feuilles car les chenilles s’y dissimulent les plus souvent.

L’action manuelle pour parer au plus pressé

Les chenilles de la pyrale du buis n’étant pas urticantes, vous pouvez écraser entre les doigts celles que vous découvrez sur les plants faiblement infestés et faire de même avec les cocons. Pour les buis de grande taille, la solution consiste à tendre une toile au pied des arbustes et à frapper fort sur la ramure avec une canne de bambou pour faire tomber au sol les chenilles qui résistent mal aux fortes vibrations. Il suffit ensuite de les ramasser et de les jeter au feu ou dans de l’eau bouillante.

Vous pouvez aussi tailler toutes les parties attaquées et brûler les rameaux coupés, afin d’enrayer l’attaque tout en éliminant les pontes et les chrysalides qui sont peu visibles.

Une bonne mesure complémentaire : le  traitement automnal

Avant les premiers froids de l’automne, la dernière génération de chenilles tisse une sorte de cocon entre deux feuilles de buis, constituant ainsi un abri (un hibernarium) dans lequel les larves vont rester en état d’hibernation.

C’est le bon moment pour effectuer un traitement avec un produit contenant de l’huile de colza (par exemple l’Insecticide jardin Spruzit EC de Neudorff constitué de 4,59 g/l de Pyréthrines naturelles et de 825,3 g/l d’huile de colza) ou avec du savon noir, ces substances enveloppant les cocons d’une pellicule étanche, ce qui entraîne l’asphyxie des larves de pyrèthres.

D’autres solutions pour l’avenir

Dans l’attente de trouver (peut-être) des variétés résistantes, voire des plantes de remplacement, notamment pour les topiaires ou les broderies des jardins à la française, certaines voies de protection biologique s’ouvrent aujourd’hui. L’utilisation d’auxiliaires, notamment des trichogrammes (micro-hyménoptères) qui parasitent les œufs commence à se développer. Mais cette dernière technique, encore récente, est réservée aux professionnels.

Il est difficile de compter sur la faune indigène pour réguler les populations de pyrales. En effet, les oiseaux délaissent les chenilles dont les tissus renferment des alcaloïdes toxiques sécrétés par le buis. Seuls les guêpes et surtout les frelons asiatiques en font leur ordinaire, mais les chenilles de pyrales ne comptent que de manière secondaire dans leur régime alimentaire.

Enfin, il semble possible de rendre le buis plus résistant en rendant son feuillage plus coriace grâce à des pulvérisations d’engrais foliaire contenant de la silice, mais aussi de l’acide salicylique qui stimule les défenses naturelles de la plante.


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