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UNE BELLE GRIMPANTE PLUTÔT INDÉSIRABLE

Quelle est cette plante qui a poussé spontanément dans mon jardin ?

La plante dont vous nous avez fait parvenir des photos se nomme Araujia sericifera. On lui donne parfois le nom vernaculaire de « plante cruelle » car les insectes qui viennent la butiner sont souvent fait prisonniers par la fleur en raison de sa forme particulière qui ne leur permet pas de s’échapper une fois qu’ils l’ont pénétrée (mais ce n’est pas une plante carnivore). On appelle aussi (à tort) l’Araujia sericifera « kapok » mais aussi « liane aux vessies » du fait de la forme de ses fruits.

 

Une plante tropicale naturalisée et envahissante

Araujia sericifera est une plante grimpante au feuillage semi-persistant originaire d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Paraguay, Pérou, Uruguay). Il faut habiter une région au climat doux pour qu’elle pousse spontanément car elle résiste difficilement à des gelées inférieures à -7 °C.

Araujia sericifera a été introduite en Europe au dix-neuvième siècle (elle est arrivée à Toulouse en 1890) en tant que plante ornementale et textile (ses graines sont entourées d’une soie qui peut être tissée).

 Au fil du temps, la plante s’est naturalisée au bord de la Méditerranée et s’y est largement répandue du fait de sa capacité à assurer son autopollinisation (autogamie). Depuis 2008, elle est même considérée officiellement comme une espèce envahissante en Europe du Sud : Espagne, Grèce, Italie, Portugal, y compris dans le Midi de la France et surtout en Corse.

Changement de famille

Le genre Araujia était jadis classé dans les Asclepiadaceae, mais cette famille n’est plus considérée comme valide par la classification phylogénétique qui l’a intégrée en 1998 dans les Apocynaceae. On peut donc considérer Auraujia sericifera comme un cousin, entre autres, de la pervenche (Vinca spp.), du laurier rose (Nerium oleander) du frangipanier (Plumeria acutifolia), de la chaîne des cœurs (Ceropegia woodii), du watakaka (Dregea sinensis), du jasmin de Madagascar (Stephanotis floribunda) et du dipladénia (Mandevilla splendens).

Un nom d’origine portugaise

On compte 9 espèces d’Araujia reconnues par la nomenclature botanique internationale. Le genre a été créé en 1818 par Felix de Avellar Brotero (1744-1828) dans le volume 12 de : Transactions of the Linnean Society of London. Il honore le nom du diplomate et scientifique portugais Antonio de Araujo e Azevedo (1754-1817), explorateur et collectionneur de plantes.

L’étymologie latine du nom d’espèce sericifera que l’on doit aussi à Felix de Avellar Brotero, signifie « qui produit de la soie », allusion à la bourre soyeuse qui accompagne les graines de cette plante.

 

 La plante a aussi été nommée en 1824 Physianthus albens par le botaniste et explorateur allemand Carl Friedrich Philipp von Martius (1794-1868), mais ce genre a été assimilé en 1837 aux Araujia par le botaniste écossais George Don (1798-1856) n’est pas reconnu par la nomenclature botanique internationale.

Une liane à la sève toxique

Araujia sericifera forme une liane dont les robustes tiges volubiles peuvent atteindre 10 m de long. Ligneuses à la base, elles sécrètent, lorsqu’on les coupe, une sorte de latex laiteux malodorant et irritant.

Les feuilles de 8 à 10 cm de long, semi-persistantes dans nos régions, persistantes sous un climat subtropical, sont ovales à lancéolées, pétiolées, opposées, charnues. Vert foncé dessus, elles sont vert pâle et velues à la face inférieure. Elles ressemblent beaucoup à celles du jasmin de Madagascar, d’où le nom de « stéphanotis du pauvre » que certains donnent à Araujia sericifera.

Des fleurs qui piègent les insectes

De juillet à septembre la plante se pare d’une floraison peu généreuse qui apparaît à l’aisselle des feuilles. Les corolles hermaphrodites blanches ou roses, de 2 à 4 cm de diamètre, très parfumées, sont réunies par 2 à 4 pour former des ombelles pendantes.

 

La forme tubulaire étroite et profonde de la partie inférieure de la fleur dans laquelle se trouve un abondant nectar, nécessite que le pollinisateur enfonce profondément sa trompe. Or, le fond de cette gorge où se trouvent aussi les sacs polliniques (cinq étamines), forme une sorte de pince. Le prélèvement du nectar nécessite des mouvements de contorsion qui obligent les parties velues de l’insecte à se frotter sur les anthères qui libèrent alors leur pollen.

 

Dans les contrées d’origine de l’Auraujia, les abeilles et les papillons sont suffisamment forts pour se libérer de l’étreinte de la plante. C’est le cas de son principal pollinisateur le moro-sphinx (Macroglossum stellatarum) qui se caractérise par son vol statique comme celui du colibri. En revanche, dans nos contrées, ils se trouvent souvent coincés dans la fleur, surtout les papillons de nuit, et ils ne seront libérés qu’une fois cette dernière fanée. La délivrance intervient souvent trop tard et nombre de fleurs d’Araujia servent de linceul à des insectes qui périssent du péché de gourmandise, asphyxiés par les sécrétions de la fleur.

 Cette particularité a valu à la plante son surnom de « liane cruelle » et chez les anglo-saxons de « moth catcher », littéralement : « attrape-mite ». Outre son aspect invasif indéniable dans les régions au climat doux, on déconseille aussi la culture d’Araujia sericifera dans les jardins dans un but de protection des abeilles.

 

Des fruits comestibles aux graines soyeuses

Les fleurs sont suivies, de septembre à novembre, par des fruits de 8 à 12 cm de long, piriformes, vert clair et rainurés, qui ressemblent à ceux de la chayotte (Sechium edule, Cucurbitaceae). Ces gousses ventrues s’ouvrent naturellement à maturité (fruits déhiscents) pour libérer environ 400 graines noires de 7 à 8 mm de long, accompagnées d’un toupet de soies fines d’environ 25 mm de long.

 

Grâce à leur pilosité, les graines sont facilement véhiculées par le vent, ont une durée de vie d’au moins 5 ans dans la nature, ce qui explique le comportement envahissant de la plante. Le nom de « faux kapok » parfois donné à Araujia sericifera s’explique par cette bourre soyeuse abondante. Les fruits sont considérés comme comestibles, mais il est rare qu’ils parviennent à une maturité optimale sous nos climats.

 

 

 

Mon conseil : dans les jardins, il est important de ne pas laisser les fruits parvenir à maturité et de les cueillir lorsqu’ils sont verts, pour éviter l’expansion de la plante. En effet, les graines sont tout à fait résistantes au gel et passent l’hiver sans encombre, germant au printemps, même si la plante mère est morte de froid.

 

 

 


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