Je savais que c’était néfaste. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de consulter la page Facebook de mon ex.
Il était l’amour de ma vie et je ne pouvais pas me résoudre à le laisser partir.
Nous avons fait connaissance lors d’une soirée et avons entrepris une relation par consentement mutuel, en dépit de problèmes personnels bien différents : sa femme venait de le mettre à la porte et pour ma part, je venais de recevoir un diagnostic de cancer incurable pour mon chat.
Nous avons également partagé notre passion pour la musique et nous avons passé de nombreuses soirées à chanter des chansons populaire en s’accompagnant à la guitare.
Vers l’âge de 40 ans, je suis devenu écrivaine après une carrière de médecin, et comme j’avais toujours accordé l’importance à mon travail, je n’avais jamais rencontré quelqu’un que j’avais envie de marier. J’ai découvert rapidement que celui-ci était le bon.
Mais après six mois de romance, tout s’est effondré. Mon amoureux m’annonça qu’il se considérait comme une « marchandise avariée » et qu’il ne voulait plus s’aventurer sur le terrain glissant de l’intimité émotionnelle. Il ne voulait plus se marier une autre fois. Il ne vivrait plus avec une autre femme. Et au demeurant, il ne cherchait qu’une relation informelle. J’étais hébétée lorsque je lui ai dit au revoir et souhaité bonne chance.
Le jour suivant notre séparation, je l’ai supprimé de ma liste d’amis Facebook, considérant que cela me permettrait d’aller de l’avant. Mais la tentation de lui jeter un dernier regard s’avérait trop forte. Le lendemain, j’ai atterri sur la page Facebook de son ex et de là, j’ai eu accès à son profil. Je savais que c’était terrifiant, mais je ne pouvais pas me contrôler. Je me sentais perdue sans lui et je cherchais une forme mitigée d’intimité par Internet.
Le rituel est devenu quotidien. Chaque matin, je parcourais tous les coins et recoins de la page de mon ex amoureux par le biais du profil de son ex-femme. Un jour, j’ai trouvé un lien vers l’une de ses dernières chansons à la guitare. Il souriait et saluait ses admirateurs. Il avait nettement évolué, contrairement à moi, toujours vautrée sur mon divan. Mon humeur s’est assombrie.
Le cyber harcèlement obsessif qui a suivi ma séparation n’est pas unique à mon cas. Dans une étude publiée en 2014 par Anabel Quan-Haase, professeure agrégée à l’Université Western et Veronika Lukacs, étudiante diplômée, 88 pour cent des participants de cette recherche qui sont demeurés « amis » sur Facebook avec leur ex-partenaire ont admis avoir visité furtivement le site de leur ex-partenaire après la séparation. Cela signifie fouiner sur les pages d’une autre personne et lire son profil mais sans interagir. Cette forme de surveillance ne se limitait pas aux pages de l’ex-partenaire; 74 pour cent des participants ont admis avoir regardé ou chercher à trouver le profil du nouveau partenaire de leur ex ou d’un candidat éventuel.
Lorsque j’ai partagé cette statistique avec une de mes connaissances, elle répondit en reniflant : « J’aurais dit 99 pour cent. Les autres ne l’admettent tout simplement pas. » « Cette action de fouiner provient du besoin réel de revenir dans la relation émotive, explique Anabel Quan-Haase. Ces personnes essaient de se rattacher à ce qui a été important et significatif dans cette relation. »
Mais cette habitude de fouiner peut devenir toxique.
Une recherche réalisée en 2012 par Tara C. Marshall de l’Université Brunel en Angleterre confirme ce que plusieurs pensaient : le harcèlement sur Facebook nuit à récupération émotive. Cette étude démontre que les personnes qui ont « poursuivi » leur ex sur Facebook ont souffert plus longtemps et de façon plus importante de détresse psychologique. « Chaque visite sur ces pages éveille les sentiments non résolus que vous pourriez éprouver envers votre ex partenaire, poursuit Tara C. Marshall. »
Des experts en cyperpsychologie affirment que le harcèlement sur Facebook peut avoir l’effet inverse que prévu. D’après Anabel Quan-Haase, les personnes qui fouinent sur le site de leur ex-partenaire espèrent découvrir que ce dernier est aussi malheureux qu’elles le sont. « Si les indices laissent croire que l’autre personne va de l’avant, cela peut être très douloureux, dit-elle. »
Mais il est difficile de recueillir l’image précise de son ex sur Facebook. Mais d’après Tara C. Marshall, « plusieurs personnes adoptent des tactiques de gestion d’image sur Facebook : elles affichent des photos flatteuses d’elles-mêmes, rédigent soigneusement leur liste d’intérêts ou affichent des photos qui font croire qu’elles ont une vie sociale excitante. »
Le psychologue Guy Grenier de London en Ontario affirme que « fouiner sur Internet vous empêche de faire face à la réalité, de réaliser que la relation est terminée et que vous devez prendre votre vie en main. » Ma propre vie est tombée au ralenti lorsque je consacrais toutes mes énergies à espionner mon ex. Même au cours d’une croisière en famille sur le Rhin, j’ai emprunté l’ordinateur du bateau et j’étais torturé par la lenteur de l’appareil à télécharger le profil de mon ex.
J’aurais pu poursuivre indéfiniment ce parcours autodestructeur n’eût été d’un autre événement explosif. Un soir, environ quatre mois après ma séparation, ma sur m’a révélé de mauvaises nouvelles qui ont modifié ma perspective : on venait de lui trouver des cellules précancéreuses dans le sein gauche. J’ai cessé de prier pour la reprise de ma relation et j’ai mis mes énergies à vouloir que ma sur retrouve la santé.
Ce sevrage s’est effectué de façon viscérale. Mon cur battait plus vite lorsque je passais à côté de l’ordinateur et j’avais une démangeaison aux doigts pour ouvrir une session. Mais j’ai tenu bon et ce comportement obsessif s’est évanoui.
Même si le besoin de harceler une personne sur Facebook va disparaître au fil du temps, les experts affirment qu’il existe quelques étapes concrètes pour aider à combattre ce désir. Tara C. Marshall conseille de bloquer l’ex-partenaire si vous sentez que vous ne pourrez pas résister à la tentation de fouiner. « Loin des yeux, loin du cur, dit-elle. » La docteure Peggy Richter, directrice de la clinique sur les troubles obsessionnels compulsifs et les troubles connexes au département de psychiatrie du Centre des sciences de la santé Sunnybrook de Toronto prône la recherche des « relations réelles » à l’extérieur du cyber espace, évidemment pas avec votre ex! « La relation hors ligne est la récompense, affirme-t-elle. »
Il y a plus d’un an maintenant que j’ai terminé cette relation et je suis bien établie dans le monde physique. Je n’ai plus la tentation de fureter sur la page Facebook de mon ex partenaire. Au lieu d’errer dans le cyber espace, je parsème la vie réelle des graines de l’amitié. J’ai adhéré à Running Room et je fais du bénévolat à Amnistie Internationale et je suis devenue responsable d’un groupe d’écriture. Je visite régulièrement ma sur qui, grâce à dieu, est en bonne santé. Je n’ai pas encore rencontré mon prince, mais j’espère bien qu’il se matérialisera un jour. D’ici là, je suis bien ancrée dans la vie réelle.