Le manque d’organisation fait-il de vous un mauvais parent ?
Tout a commencé en deuxième année du primaire, avec le « Projet igloo ». Ma mère, étonnée, me voyait chercher partout un curieux matériel, un matin d’école :
« Maman, est-ce qu’on a de la ouate ?
- Bien sûr, pourquoi ?
- Où est la colle ? »
En deux temps trois mouvements, j’avais assemblé un igloo. Mon cousin, lui, y avait passé des semaines. Jamais je n’avais mentionné ce travail à faire, et encore moins la date de remise, prévue ce matin-là. Ma mère était furieuse. Quand l’enseignante nous a rendu notre travail, ma mère a écarté ma formidable note et tenu à ce que je refasse l’exercice pour me donner une leçon.
Maman a raconté cette histoire des centaines de fois. Ce fut un épisode déterminant de ma vie. L’organisation n’est pas mon fort. Je n’ai aucune affinité avec la routine.
Le syndrome du « Projet igloo » m’a poursuivie jusqu’à l’université, où j’ai cumulé les nuits blanches pour remettre des travaux le lendemain. J’enviais en même temps les horaires méticuleux de mes amis et leurs carnets de notes parfaitement consignées. Puis j’ai eu des enfants. Et tout est devenu affaire d’organisation.
À la naissance de ma fille Joey, aujourd’hui âgée de huit ans, je fis de mon mieux pour établir un emploi du temps. C’était le credo de tous les spécialistes de l’enfance : faites un tableau pour les selles, un pour les dodos, un autre pour les tâches et un horaire des repas. J’ai tout essayé ! Tellement ! Je n’arrivais pas à respecter un seul programme sans devenir folle et, bien sûr, culpabiliser devant ma pitoyable performance parentale, chaque fois que j’oubliais de consigner un caca.
Quelques mois après la naissance de mon fils Ryan, maintenant âgé de six ans, ça m’a soudain frappée : pourquoi l’accouchement transformerait-il comme par magie une femme naturellement désorganisée en maître zen de la routine ? Non, je ne deviendrais jamais ce type de mère. Et pour tout vous dire, ce n’est pas la fin du monde. Après cette prise de conscience, j’ai commencé à miser sur mes propres qualités : je suis une mère aimante, intuitive, créative, amusante et patiente.
Le manque d’organisation fait-il de vous un mauvais parent ?Bien sûr, notre quotidien n’est pas complètement déstructuré. Puisque je fais du yoga tous les matins, les lunchs sont préparés la veille. Les devoirs sont remis à temps et, malgré la course folle, les enfants arrivent toujours à l’heure en classe et aux activités.
Les week-ends baignent plutôt dans un flou artistique. Nous mangeons quand nous le voulons, et je grimace lorsque, après le cours de karaté, des parents se dépêchent de rentrer pour préparer le repas… Un dimanche ! Mes proches s’inquiètent toujours quand ils gardent mes enfants pour la nuit. Se coucheront-ils à 22 h ou très tôt (et laisseront-ils leurs cousins dormir) ?
Mais je suis heureuse de vous annoncer que, même sans horaire précis, mes enfants ne sont pas damnés pour autant. Ils en ont peut-être même retiré quelque chose. Ils ont appris seuls à s’organiser sur le tas et savent s’adapter à toute situation.
Tout indique que Ryan a décroché ce curieux gène de l’organisation. Son enseignante l’appelle M. Calendrier, car il sait toujours quelles sont les activités prévues : et que la « Force » l’accompagne si elle devait s’éloigner de son programme !
Joey, en revanche, est plutôt rêveuse et a toujours besoin d’encouragement pour passer d’une matière à l’autre, mais quelle créativité ! Comme moi, elle manque d’organisation, mais nous nous soignons. Oh zut ! Je vous laisse : ce texte doit être remis dans une heure et il faut déposer les enfants à l’école.