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"Dans trente pour cent des lits, il y a quelqu'un qui n'a pas sa place"

La thérapie à domicile est de remplacer les lits psychiatriques partout en Belgique. Une conversation avec les psychiatres Jeroen Decoster et Guido Pieters, défenseurs de la thérapie à domicile en Belgique.

La Belgique est relativement parmi les leaders en Europe en termes de nombre de lits psychiatriques. La thérapie à domicile est une solution moins chère. Y a-t-il des avantages ou s'agit-il simplement d'une opération économique ?

Guido Pieters : La thérapie à domicile n'est pas non plus beaucoup moins chère. L'intention n'est certainement pas d'offrir des soins bon marché. Le principal avantage qui ressort de la littérature scientifique est que les patients et leurs proches sont plus satisfaits des soins à domicile que des soins à l'hôpital.

Jeroen Décoster :En thérapie à domicile, vous apprenez également les compétences dont vous avez besoin pour gérer la prochaine crise dans l'environnement où vous en aurez besoin. Comment cela aide-t-il si vous apprenez à surmonter votre peur à l'hôpital ? Nous ne travaillons pas seulement thérapeutiquement. Nous veillons principalement à ce que les patients puissent ensuite rejoindre un traitement avec un psychothérapeute ou un psychiatre de la région. Nous engageons le médecin généraliste. Lorsqu'il est hospitalisé, la vie d'un patient est suspendue. S'il est alors autorisé à rentrer chez lui, le message est le suivant :reconstruisez votre vie. Il vaut mieux ne pas interrompre cette vie et travailler à la récupération à la maison.

Pierre :Des études montrent que la thérapie à domicile donne des résultats au moins aussi bons que l'hospitalisation. Des visites régulières à domicile en sont une condition préalable. Dans une équipe mobile, en tant que prestataire de soins, vous êtes beaucoup mieux conscient du contexte dans lequel vit un patient. Vous pouvez ajuster la thérapie en conséquence.

 Dans trente pour cent des lits, il y a quelqu un qui n a pas sa place

À quoi ressemble exactement cette thérapie à domicile ?

Décostoir :Idéalement, une équipe mobile de crise est composée de 14 à 16 personnes :infirmières psychiatriques, assistantes sociales, psychologues et psychiatres. Un psychiatre est indispensable. Il doit faire partie d'une telle équipe à temps plein et doit les accompagner jusqu'au domicile du patient. Cela garantit que le bon médicament est prescrit et que les plaintes physiques sont mieux évaluées et surveillées. Si nécessaire, le patient reçoit une visite quotidienne de l'équipe. En outre, un contact téléphonique peut également être établi. En moyenne, cette supervision intensive dure trois à quatre semaines. C'est beaucoup plus court que l'admission moyenne dans un hôpital psychiatrique, qui est de deux mois.

Pierre :Une telle hospitalisation, c'est comme partir en voyage avec une formule tout compris. L'argent des soins de santé mentale sert en partie à manger et à dormir :ce que de nombreux patients peuvent également faire à la maison.

À quel type de patients une équipe mobile de crise rend-elle visite ?

Décostoir :La moitié de nos patients sont suicidaires. Les patients de ce groupe ont tenté de se suicider ou ont été sur le point de se suicider. De plus, nous voyons également un nombre croissant de patients souffrant de psychoses. Ils refusent souvent l'hospitalisation parce qu'ils ne comprennent pas ce qui ne va pas chez eux. La thérapie à domicile peut alors être une alternative à l'admission obligatoire.

 Dans trente pour cent des lits, il y a quelqu un qui n a pas sa place

Est-il prudent de laisser les personnes suicidaires seules à la maison ?

Pierre :Il n'existe aucune preuve scientifique convaincante que les hospitalisations préviennent les suicides. Souvent, ils signifient simplement la procrastination.

Si tout va bien, les équipes mobiles rempliront une fonction qui se situe quelque part entre celle des soins ambulatoires et celle de l'hôpital. N'y a-t-il pas un risque qu'ils servent de « solution » à la pénurie de soins ambulatoires et aux longues listes d'attente ?

Décostoir :C'est en effet un piège. Les lits sont progressivement supprimés au profit d'équipes mobiles. Mais les soins ambulatoires doivent également être renforcés. Les listes d'attente doivent être plus courtes, les soins doivent être plus intensifs et multidisciplinaires. Les personnes qui cherchent de l'aide et n'en trouvent pas comptent désormais sur nous. Mais leurs problèmes ne sont souvent pas assez sérieux pour déployer une équipe mobile.

Les soins ambulatoires et la thérapie à domicile peuvent aider de nombreuses personnes souffrant de problèmes psychologiques. Les admissions à l'hôpital sont-elles toujours nécessaires ?

Pierre :Absolument. Des enregistrements sont parfois nécessaires. Une équipe de crise mobile ne peut travailler confortablement que si une hospitalisation est immédiatement possible si nécessaire. Mais :la Suède se débrouille avec cinquante lits psychiatriques pour cent mille habitants. La Belgique en compte 170.

Dans la région de Louvain, 30% des lits contiennent une personne qui n'a plus besoin d'être admise. Même avec de graves problèmes psychologiques, vous n'avez généralement pas besoin d'être hospitalisé pendant des mois. Tant qu'il y a des lits, la plupart des hôpitaux les remplissent. Sinon, ils perdent de l'argent public. Cela a des conséquences perverses. Si quelqu'un vient qui a vraiment besoin d'un enregistrement, il n'y a parfois pas de lit disponible. Ce sont souvent des 'patients dont personne ne veut' :des SDF, des toxicomanes... C'est inadmissible !'

La période d'essai pour les équipes mobiles en Belgique est maintenant terminée. Que se passe-t-il maintenant ?

Pierre :Fin 2016, la phase de test est bel et bien terminée. Maintenant ça s'arrête. Le secteur résiste. En partie raison. Les gens veulent avoir la certitude de leur avenir.

Les services fermeront-ils définitivement et les équipes mobiles continueront-elles d'exister ?

Pierre :Les lits en Belgique ne sont pas non plus équitablement répartis. Par exemple, la région de Louvain compte environ trois cents lits pour cent mille habitants, tout comme Gand. D'autres régions n'en ont qu'une centaine. Cette division s'est développée historiquement. Le nombre d'équipes mobiles est calculé en fonction du nombre d'habitants. Cela signifie qu'une région devra réduire plus de lits que l'autre et que certaines régions perdront du personnel et donc de l'argent. D'autres recevront de l'argent pour des équipes mobiles supplémentaires.

Décostoir :Il y a la peur. Beaucoup craignent que derrière le remplacement des lits par des équipes mobiles il y ait une économie. Cela ne devrait absolument pas être le cas.


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