Avec ses violentes douleurs au ventre et ses autres symptômes, tout portait à croire que Nathanael souffrait de la maladie de Crohn…
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Le patient: Nathanael Milam, étudiant en soins infirmiers
Les symptômes: violentes douleurs au ventre, diarrhée, fortes fièvres
Le médecin: DrElias Zambidis, spécialiste des maladies du système immunitaire à l’hôpital Johns Hopkins
Nathanael Milam a commencé à souffrir de problèmes d’estomac vers l’âge de sept ans. Il éprouvait parfois de fortes douleurs abdominales et n’arrivait pas toujours à se retenir jusqu’aux toilettes. À d’autres moments, déféquer faisait très mal. Inquiète, sa mère, Joyce, l’a emmené consulter un médecin, qui lui a diagnostiqué la maladie de Crohn – une inflammation chronique du système digestif.
Pendant des années, médecins de famille et spécialistes de l’hôpital pour enfants Johns Hopkins à Baltimore, dans le Maryland, ont tenté de soigner Nathanael avec des médicaments modulateurs du système immunitaire ou à action anti-inflammatoire: d’abord sous forme de cachets, puis par perfusions et injections. Chaque nouveau traitement faisait provisoirement taire ses symptômes, qui revenaient immanquablement, contraignant les médecins à proposer des molécules plus fortes.
À l’école, les camarades de Nathanael le taquinaient sur sa fréquentation assidue des toilettes. S’il s’éclipsait quelques semaines et parfois quelques mois – au moins une fois l’an pour l’ablation d’une partie du côlon en raison d’une inflammation, une intervention fréquente chez ceux qui souffrent de la maladie de Crohn –, il racontait qu’il avait eu un mauvais rhume ou une grippe. «Je ne disais à personne que j’avais la maladie de Crohn, se souvient-il. C’était trop dégoûtant pour un enfant.»
Heureusement, au moment où Nathanael a fêté ses 17 ans, juste avant d’entreprendre des études en soins infirmiers à l’université de Towson, les symptômes ont semblé se calmer. «Je n’ai eu aucun problème la première année. Un rêve. Je me sentais enfin normal.»
Mais au second semestre de la deuxième année, la maladie se manifeste de nouveau. En février 2018, après avoir mangé le soir, il souffre de violentes crampes d’estomac et de diarrhée. Il se rend lui-même aux urgences les plus proches qui le transfèrent à l’hôpital Johns Hopkins où on l’opère pour une occlusion intestinale. Une semaine plus tard, une deuxième occlusion le renvoie aux urgences. Après l’intervention, il est pris cette fois de fortes fièvres, sans compter que la plaie ne cicatrise pas. Peu de temps après la chirurgie, une septicémie l’envoie à l’unité des soins intensifs où il enchaîne les pertes de conscience. Le médecin responsable de Nathanael acquiert alors la certitude qu’il ne peut s’agir de la maladie de Crohn. Apprenez-en plus sur les approches nutritionnelles pour éviter les carences causées par la maladie de Crohn.
Pendant quelques semaines, divers spécialistes se penchent sur le cas de Nathanael et lui font passer une batterie de tests. L’un d’eux révèle un taux anormalement élevé de ferritine, une protéine du sang qui permet de stocker le fer et contribue à la protection des cellules immunitaires. Le jeune homme est alors adressé au Dr Elias Zambidis, spécialiste des maladies du système immunitaire. Pour lui, un tel niveau de ferritine suggère une lymphohistiocytose hémophagocytaire, une maladie rare à l’origine d’un dysfonctionnement immunitaire.
Normalement, les lymphocytes T s’activent en présence d’une infection ou d’une maladie virale, puis se mettent au repos une fois la menace jugulée. Chez les patients atteints de lymphohistiocytose hémophagocytaire, explique le Dr Zambidis, les lymphocytes T ne déposent pas les armes mais poursuivent leur combat, faisant augmenter l’inflammation qui s’attaque à son tour aux parties saines de l’organisme. «C’est un peu comme si le système immunitaire de Nathanael avait un accélérateur mais pas de freins», explique-t-il.
Ce diagnostic confirmé par les analyses sanguines permet de comprendre pourquoi les médicaments contre la maladie de Crohn administrés à Nathanael sont restés sans effet. La lymphohistiocytose hémophagocytaire – qui touche environ une personne sur un million, surtout des enfants – constitue la pièce manquante d’un problème plus vaste. Le Dr Zambidis sait que, chez certains patients, les maladies intestinales inflammatoires comme la maladie de Crohn et la lymphohistiocytose hémophagocytaire ont une même origine: le syndrome lymphoprolifératif associé au chromosome X de type 2 (XLP type 2), une maladie génétique rare, elle-même causée par la mutation d’un gène. «Nous avons procédé à un test génétique et la réponse était confirmée: Nathanael était porteur du gène.»
Le diagnostic semble arriver trop tard. À seulement 19 ans, Nathanael est en train de mourir – rapidement. «La bataille semblait perdue, se souvient le médecin. De nombreux collègues privilégiaient des soins de compassion.»
Mais le Dr Zambidis a une idée. Si on arrive à réduire l’inflammation, une greffe de la moelle osseuse pourrait éventuellement soigner la lymphohistiocytose hémophagocytaire et augmenterait les chances de guérison du jeune homme. Seule inquiétude: l’étoposide, un médicament utilisé en chimiothérapie pour réduire l’inflammation avant une greffe de la moelle osseuse, risque de ravager son organisme et de faire chuter son taux de globules blancs. «Aux soins intensifs, avec des infections qui rongeaient ses intestins, Nathanael n’avait surtout pas besoin de ça», dit le Dr Zambidis.
Le médecin propose une solution de rechange: l’anakinra, normalement utilisé dans le traitement de l’arthrite rhumatoïde. Et ça marche. En moins de deux mois, l’inflammation disparaît. Mais Nathanael n’est pas encore tiré d’affaire. Si son organisme réagit mal à la greffe, il pourrait ne pas s’en sortir. (Environ un tiers des enfants qui souffrent de lymphohistiocytose hémophagocytaire en meurent.) «Je n’ai pas eu de mal à décider, se souvient Nathanael. Entre me battre et risquer de mourir et ne pas me battre et être sûr de mourir, le choix m’a paru évident.»
En janvier 2019, Nathanael reçoit une greffe de moelle osseuse. Cinq mois plus tard, il rentre chez lui complètement guéri. Comme lorsqu’il était enfant, il lui arrive d’avoir des crampes d’estomac et de souffrir d’incontinence, mais s’il compare sa situation à celle de deux ans plus tôt, il est infiniment reconnaissant d’être en vie.
Nathanael Milam a repris les cours à l’université de Towson, mais en gestion des soins de santé, un métier qui l’amènera peut-être à amasser des fonds pour la recherche sur les cellules souches dans le but d’aider des patients comme lui. «J’ai souvent dû me battre pour survivre, dit-il. Mais quand j’étais très malade, des anges se sont occupés de moi et je leur en suis encore reconnaissant.»
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