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Douleurs abdominales violentes: qu’est-ce que j’ai, docteur?

Quand une soudaine et violente douleur abdominale la terrasse, Geneviève a l’impression qu’un poids écrase ses intestins. Mais quand elle arrive aux urgences, les symptômes ont disparu.

Illustration de Victor Wong

Douleurs abdominales subites

La patiente: Genevieve Crean, thérapeute
Les symptômes: douleurs abdominales violentes
Le médecin: Dr Edward Phillips, directeur de la chirurgie au Cedars-Sinai

En 2010, un soir de juin, Genevieve Crean, thérapeute, termine sa journée à l’université d’État de Californie à Pomona, à l’est de Los Angeles. Dans la jeune soixantaine à l’époque, elle est appréciée sur le campus pour son sens de l’humour et son sourire chaleureux. Mais ce soir-là, elle ne sourit pas. Une soudaine et violente douleur abdominale comme elle n’en a jamais connue la terrasse. Elle a l’impression qu’un poids écrase ses intestins.

John, son mari, vient la chercher et la conduit aux urgences. Mais le temps qu’un médecin l’examine, la douleur a disparu. «Il a haussé les épaules et m’a recommandé de voir un généraliste, se souvient-elle. J’ai pensé que c’était un coup du hasard.»
Mais voilà qu’un an et demi plus tard, pendant une conférence à laquelle elle assiste à Los Angeles, Genevieve est de nouveau foudroyée par la douleur. «C’était atroce, comme un accouchement sans le bébé.» Cette fois, cela s’accompagne de sueurs froides et de vomissements. Genevieve reprend le chemin des urgences et le scénario se répète: quand elle voit enfin le médecin, le mal s’est envolé et les examens ne révèlent rien. Elle est soulagée, mais craint en même temps que le problème ne soit récurrent.

L’année suivante va le confirmer. Désormais, une ou deux fois par mois, elle éprouve une douleur soudaine intolérable à l’estomac qui peut durer quatre heures, parfois plus. Elle surgit à tout moment – au milieu d’un repas, pendant une réception de mariage, en voyage professionnel. Le plus souvent, Genevieve se contente de prendre des analgésiques et de se recroqueviller en position fœtale en priant pour que ça passe. «Dieu m’accompagnait dans ces moments, dit-elle. Cela ne diminuait pas la douleur, mais j’avais l’esprit plus paisible.»

Soutenue par son mari, elle passe les années suivantes à chercher une explication. Ils consultent de nombreux spécialistes médicaux, notamment un gastro-entérologue et un gynécologue obstétricien. Scanners de l’estomac, analyses d’urine et de sang, tests d’allergies, tous ces examens arrivent à la même conclusion : normal. Sur les conseils des médecins, Genevieve modifie son alimentation, élimine les fruits et les légumes crus, avale des huiles homéopathiques. En vain. Un chirurgien lui retire la vésicule biliaire, qui peut provoquer ce genre de symptômes, mais rien n’y fait. Le gastro-entérologue envisage le syndrome du «casse-noix» caractérisé par la compression d’une veine rénale. Mais ce diagnostic va à son tour conduire à une impasse. Après de nombreuses consultations, aucun médecin ne peut lui dire ce qui la fait souffrir. Pour soulager ses douleurs, on lui prescrit un opiacé, de l’hydrocodone. Désireuse de vivre pleinement, Genevieve voyage aussitôt qu’elle en a l’occasion malgré sa peur de souffrir d’une crise à l’étranger. Est-elle condamnée à vivre avec ce mal ? Vais-je devenir une petite vieille affligée de douleurs effroyables ? , se demande-t-elle.

Finalement

En 2018, elle est adressée au centre pour les patients sans diagnostic (CUP) de l’hôpital Cedars-Sinai à Los Angeles, une nouvelle unité multidisciplinaire qui se penche sur les cas difficiles. «Un médecin ne peut généralement pas consacrer une journée entière et encore moins toute une semaine à un patient», admet le Dr Edward Phillips, directeur de la chirurgie au Cedars-Sinai. Mais au CUP, pour chercher la pièce manquante du puzzle, les médecins prennent le temps de se pencher sur les dossiers de patients qui font parfois des milliers de pages. En étudiant celui de Genevieve, le Dr Phillips remarque qu’aucun des scanners de l’estomac n’a été pratiqué pendant une attaque. Il demande donc à sa patiente de se rendre à l’hôpital à la prochaine crise. Cela se produit en 2019, au moment de la fête des Mères. Quand Genevieve arrive là-bas, une équipe l’attend.

En voyant les images, le Dr Phillips comprend enfin ce qui se passe. La partie supérieure de l’intestin grêle est dilatée – bien au-delà du centimètre de diamètre habituel – tandis que la partie inférieure est affaissée, signalant une obstruction quelque part. En poursuivant l’examen, il constate qu’une boucle de l’intestin est coincée dans une ouverture du bassin – un espace à travers lequel passent les veines et artères fémorales qui transportent le sang vers et depuis le bas du corps. Les images de l’intestin ont presque toujours été normales, ce qui explique que les médecins n’ont rien vu au scanner. Mais à l’occasion, quand la boucle reste coincée, Genevieve souffre d’une attaque débilitante.

Le Dr Phillips ne sait pas ce qui a donné lieu à ces difficultés. C’est peut-être un problème datant de la naissance ou la conséquence d’une anomalie génétique touchant le collagène, la principale protéine structurante des tissus conjonctifs. Mais peu importe, pour régler le problème, il n’a pas besoin de connaître la cause. Genevieve est modérément optimiste. Elle a vu tant de médecins qui avaient tous leur hypothèse. Elle y croira quand les épisodes cesseront enfin.
Le 21 mai 2019, le Dr Phillips procède à l’intervention chirurgicale : il déloge délicatement l’intestin et referme l’ouverture du bassin avec un treillis perméable. Genevieve se remet en une semaine, puis elle attend, espérant que la douleur qui lui a empoisonné la vie pendant 10 ans a vraiment disparu. Un mois passe, puis un autre. Trois ans plus tard, toujours pas de récidive. Genevieve Crean célèbre tous les ans l’anniversaire de sa chirurgie. « Le 21 mai est gravé dans ma mémoire. » C’est le jour où elle a recommencé à vivre. « C’est mon intervention miracle », conclut-elle.

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