Les réseaux sociaux exacerbent notre tendance naturelle à se comparer. Dans quelle mesure cela a-t-il un impact sur notre bien-être?
Rawpixel.com/Shutterstock
Nous avons tous une tendance naturelle à nous comparer aux autres que ce soit en ligne, hors ligne, intentionnellement ou non. La comparaison permet de nous évaluer quant à nos accomplissements, nos habiletés, notre personnalité et nos émotions, et cela affecte ensuite notre perception de nous-mêmes.
Mais dans quelle mesure la comparaison a-t-elle un impact sur notre bien-être? Tout dépend du degré de comparaison.
Se comparer à des individus en plus mauvaise posture que nous à travers les réseaux sociaux nous aiderait à nous sentir mieux. Se comparer à des individus qui s’en sortent mieux que nous nous donnerait au contraire un sentiment d’infériorité ou d’inaptitude. Le réseau social choisi a aussi une incidence sur notre moral. Tout comme les situations de crise comme celle de la pandémie de Covid-19.
Étudiante au doctorat en psychologie, je m’intéresse, dans le cadre de ma thèse, aux Incels, ces hommes qui perçoivent le rejet des femmes comme la cause de leur célibat involontaire. Je crois que la comparaison sociale — qui joue un rôle tout autant chez ces groupes marginaux que dans la population — affecte le bien-être général à l’ère des réseaux sociaux.
Le niveau de comparaison sociale jouerait sur le degré de motivation des individus. Selon une étude de l’Université de la Ruhr à Bochum, en Allemagne, il y aurait un niveau optimal dans la différence qu’on perçoit entre soi et l’autre qui maximiserait les effets de la comparaison sociale.
Plus précisément, si on se perçoit comme largement supérieur à l’autre, on ne sera pas motivé à s’améliorer, car on est déjà dans une bonne position. Et si on se perçoit comme très inférieur, on ne sera pas non plus motivé à s’améliorer puisque le but nous semble trop difficile à atteindre.
Autrement dit, constatent les chercheurs, au-delà ou en dessous du niveau optimal de différence perçu entre soi et l’autre, on ne fait plus d’efforts. En se percevant comme inférieur, l’individu ressentira des émotions négatives, de la culpabilité, et moins de fierté et d’estime de soi.
La comparaison sociale a donc des conséquences autant sur nos comportements que sur notre bien-être psychologique. Par contre, se comparer aux autres lors d’un souper au restaurant n’a pas forcément le même effet que se comparer aux autres sur Facebook. Il est plus facile de s’inventer une existence excitante ou d’enjoliver certains aspects des choses sur un réseau social que dans la vraie vie.
Dans cette optique, l’avènement des réseaux sociaux permettant la diffusion de contenu où on apparaît toujours sous notre meilleur jour a amené plusieurs chercheurs à considérer la possibilité que cela amplifie les comparaisons irréalistes.
Des recherches montrent que plus les gens passent du temps sur Facebook et Instagram et plus ils se comparent socialement. Cette comparaison sociale est liée, entre autres, à une plus faible estime de soi et à davantage d’anxiété sociale. Une étude menée à l’Université nationale de Singapour explique ces résultats entre autres, par le fait que les personnes présentent généralement de l’information positive sur eux-mêmes et peuvent améliorer leur apparence avec des filtres, créant l’impression qu’il y a une grande différence entre soi et les autres.
De leur côté, des chercheurs travaillant chez Facebook ont observé que plus les personnes voyaient du contenu dans lequel les gens partageaient des aspects positifs de leur vie sur le réseau, et plus ils avaient tendance à se comparer.
Toutefois, l’effet de cette comparaison dans un contexte particulièrement stressant comme celui de la pandémie Covid-19 pourrait-il être différent ?
Une étude de l’Université Kore d’Enna, en Italie,a montré qu’avant le confinement, une importante comparaison sociale en ligne était associée à une plus grande détresse, à la solitude et à une vie moins satisfaisante, mais ce n’était plus le cas pendant le confinement.
Ceci s’expliquerait, entre autres, par le fait qu’en se comparant aux autres pendant le confinement, les gens ont eu l’impression de partager la même période difficile, réduisant l’impact négatif des comparaisons sociales. Se comparer aux autres en ligne peut donc être une ressource positive pour améliorer ses relations et partager ses sentiments de peur et d’incertitude dans des moments difficiles.
Il y a des distinctions à faire selon le réseau social utilisé. Des chercheurs de l’Université de Lorraine, en France, considèrent qu’il ne faut pas mettre toutes les applications de réseau social dans le même panier.
Par exemple, utiliser Facebook et Instagram serait associé à un plus faible bien-être, tandis que Twitter, à davantage d’émotions positives et de satisfaction de vie. Une explication possible : Facebook et Instagram sont connus pour être un lieu de présentation positive de soi, contrairement à Twitter où il est plus approprié de partager ses réelles opinions et émotions.
Ainsi, tenter d’obtenir un soutien social sur les réseaux sociaux pendant la pandémie de Covid-19 peut réactiver des émotions négatives au lieu de les libérer, selon le réseau social utilisé.
Il existe diverses motivations à se comparer socialement et les réseaux sociaux nous y exposent davantage, qu’on le veuille ou non. Selon le type de contenu qui est partagé, qu’il soit positif ou négatif, on a tendance à s’y référer pour s’évaluer. Partager du contenu qui nous met en valeur et recevoir les éloges des autres est agréable, mais il faut considérer l’effet de ces publications sur les autres.
Mais globalement, je crois que partager ses difficultés en mots, en images ou en vidéos peut avoir malgré tout des effets positifs et apporter des bienfaits sur le plan psychologique.
Sabrina Laplante, Candidate au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.