Même si l’aide à mourir reste un sujet délicat, nous posons la question à Stefanie Green, auteure de This Is Assisted Dying.
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Après avoir aidé à mettre au monde des bébés pendant plus de 20 ans, vous aidez à présent des gens à mourir. Pourquoi?
J’ai toujours été intéressée par l’intersection entre la médecine, l’éthique et la loi. Quand je travaillais en périnatalité, j’ai pu l’étudier sous l’angle de la santé et des droits reproductifs des femmes. Entre-temps, j’observais l’évolution de la législation sur l’aide à mourir au Canada et je me disais que certes, la loi allait peut-être changer, mais ensuite, qui ferait ce travail très important?
Vous parlez de la loi canadienne qui l’a décriminalisée. Quand et comment est-ce arrivé?
Au Canada, la prohibition totale de l’aide à mourir a été jugée contraire à la charte des droits dans le cadre de plusieurs procès historiques, et la Cour suprême en a convenu à l’unanimité. En 2016, le projet de loi C-14 a donc instauré un certain nombre de règles concernant le consentement et les capacités, tout en stipulant que, pour avoir droit à l’aide à mourir, la mort naturelle devait être «raisonnablement prévisible».
Qu’est-ce que cela veut dire exactement?
Là était le problème. «Raisonnablement prévisible», est-ce une question de semaines? De mois? D’années? Qu’arrive-t-il aux personnes atteintes de SLA, aux parkinsoniens? Je pense que l’expression visait à donner une certaine marge de manœuvre aux cliniciens, mais elle les a plutôt ligotés parce qu’on a eu peur des conséquences – éthiques et juridiques – d’une mauvaise décision.
En mars 2021, le gouvernement a adopté la loi C-7 qui modifie l’accès à l’aide à mourir. Qu’est-ce qui a changé?
Il n’est plus nécessaire que la mort soit «raisonnablement prévisible», ce qui rend admissibles davantage de personnes, notamment celles qui souffrent de douleurs chroniques intolérables, mais non fatales. La loi C-7 stipule aussi que, dans certains cas, le consentement écrit du patient reste valide même s’il perd la capacité à consentir avant la date prévue de sa mort. C’est une grande victoire. Les moments les plus difficiles de ma carrière sont ceux où je suis arrivée auprès d’un patient afin de lui fournir l’aide à mourir pour découvrir qu’il n’était plus capable de donner son consentement à cause de sa médication antidouleur ou d’une détérioration de son état. J’avais le cœur brisé de devoir dire non aux proches alors que nous connaissions tous le souhait du patient.
Comment la législation actuelle traite-t-elle les demandes d’aide à mourir provenant de personnes atteintes de maladie mentale?
Pour le moment, on ne peut invoquer la maladie mentale comme motif pour demander l’aide à mourir, mais cette restriction a une date d’expiration – le gouvernement a voulu se donner un temps de réflexion. Par définition, la plupart des troubles mentaux affectent l’état psychologique, et on peut craindre, en effet, que ces patients n’aient pas la lucidité nécessaire pour prendre une telle décision. Cela dit, il y a une différence entre une impulsion suicidaire irrationnelle et un désir rationnel de mettre fin à ses jours afin d’échapper à la souffrance. Comment faire la distinction? Le gouvernement a chargé un comité d’experts de l’aider à répondre à cette question.
Dans votre livre, vous évoquez le soulagement qu’éprouvent les patients durant leur premier rendez-vous. Pouvez-vous l’expliquer?
La plupart des gens répugnent à parler de la mort, mais mon approche est très franche. Je dis d’emblée à mes patients que nous allons parler de la mort: de leur mort et de l’aide à mourir. Que je finisse ou non par les aider, ils me sont reconnaissants de pouvoir en discuter. Pas parce qu’ils veulent mourir, mais parce qu’ils veulent rester maîtres de leur vie et autonomes, deux conditions essentielles à une mort digne.
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