L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a publié le 5 octobre dernier la première étude mondiale sur l’état des plantes succulentes dans leurs biotopes. Résultat : 31 % des cactus sont menacés de disparition dans un futur proche, soit 500 espèces sur les 1 478 recensées. Les seuls groupes de contenir une plus forte proportion d’espèces menacées sont les cycas (63 % des espèces) et les conifères (34 %).
Ainsi, les Cactaceae présentent davantage de risques de disparition que les orchidées ou les palmiers ! Parmi les cactus, 99 espèces (6,7 %) sont considérées « en danger critique », 177 (12 %) sont classées « en danger » et 140 (9,4 %) dans la catégorie « vulnérable ».
Les cactus réunissent des espèces culturellement et parfois économiquement importantes, utilisés depuis longtemps par les populations d’Amérique centrale d’où ils sont originaires (on trouve seulement une seule autre espèce indigène en Afrique et une autre en Asie). Les Cactaceae font partie des végétaux les plus charismatiques. Toutefois, seulement 11 % des espèces avaient été évaluées pour la Liste rouge de l’UICN avant 2013.
Bien que les Cactaceae soient inscrits depuis 1975 en annexe de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction), les activités humaines et notamment le négoce de plantes vivantes et de graines prélevées illégalement dans la nature, constituent la principale menace qui pèse sur les espèces sauvages de cactus. Ils affectent 47 % des cactus menacés.
Les fortes pressions anthropiques sur la biodiversité dans les terres arides, à savoir la modification des pratiques agricoles sont également à prendre en compte (ils sont mis en cause pour 24 % des cactus menacés). Certains exemples sont inattendus comme l’aquaculture qui se développe dans la partie nord-ouest du Mexique, avec l’élevage de crevettes dans le désert ! Ces pratiques mettent en danger Mammillaria bocensis et Corynopuntia reflexispina.
Autre exemple, dans le sud du Brésil, la conversion des terres sauvages en plantations agro-industrielles d’Eucalyptus affecte au moins 27 espèces de cactus menacées d’extinction, dont Parodia muricata. Par ailleurs, la litière constituée des feuilles mortes de ces arbres recouvre les cactus, leur apportant un ombrage déplorable qui tue souvent des spécimens adultes et gêne la pollinisation par les insectes.
Autre menace importante, l’exploitation des carrières dans l’est du Brésil qui recèle un nombre important d’espèces menacées (15 à Bahia et 19 dans le Minas Gerais). Ces plantes présentent des exigences édaphiques (liées à la nature du sol) particulières. Par exemple Arthrocereus glaziovii et Coleocephalocereus purpureus, ne poussent que sur des sols riches en fer ou des inselbergs (une mini-montagne), qui sont des zones d’exploitation recherchées par l’industrie minière.
Un cas extrême est celui de Arrojadoa marylaniae, qui pourrait disparaître dans un proche avenir, car les sols de quartz blanc sur lesquels pousse exclusivement cette espèce, sont menacés par l’exploitation minière.
Les cactus vivant dans des zones désertiques, leur raréfaction ne provient que pour une faible part de l’urbanisation. Toutefois, il faut signaler certaines aberrations juridiques telles le risque d’être mis en prison pour avoir prélevé au Mexique un cactus dans la nature, alors que le site fait l’objet d’une urbanisation incontrôlée et tout à fait légale !
Paradoxalement, l’engouement des collectionneurs cactophiles (et autres) met leurs plantes préférées en péril car leur plaisir consiste à les cultiver. La sauvegarde des espèces végétales dans leur environnement passe donc par le développement d’une filière de production éthique. Au lieu de prélever les plantes dans la nature pour approvisionner les passionnés, il suffit de les multiplier dans des pépinières légales. 674 espèces sont couramment cultivées aujourd’hui, dont 236 sont menacées dans la nature. Mais 86 % des cactus en danger utilisés en horticulture proviennent de populations sauvages.
Le commerce illégal a été réduit dans une certaine mesure par l’inclusion, depuis 1975, de l’ensemble de la famille des Cactaceae (avec quelques exceptions) dans la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore (CITES) sauvages menacées d’extinction et par la disponibilité des plantes cultivées à partir de semences sur les marchés internationaux. Cependant, la menace de la collecte prévaut, en particulier dans les pays où la mise en œuvre de la CITES est récente comme au Pérou. Le commerce illégal reste une menace permanente pour toutes les espèces de cactus nouvellement décrites. Par exemple, la localisation précise de Mammillaria luethyi n’a été dévoilée qu’à un petit nombre d’experts seulement, afin de protéger la population sauvage d’une collecte insoutenable.
Parmi les espèces emblématiques qui présentent des réductions spectaculaires de populations, Echinopsis pampana, très présent dans le désert de Puna au Pérou, a vu la moitié de ses effectifs disparaître en 15 ans ! Il est donc grand temps que les mesures de protection décidées au niveau international soient appliquées et surtout que les pays abritant les populations de cactées les plus importantes et les plus menacées renforcent leurs actions de sauvegarde et préservent les sites naturels les plus sensibles.