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FRAMBOISE, LA RONCE DES DÉLICES

Dans la mythologie, Ida était une nymphe, fille de Mélinos, le roi de Crête. Comme le font couramment les adolescents d’aujourd’hui, elle avait pour mission de veiller sur un enfant en l’absence des adultes. Mais il ne s’agissait pas de n’importe quel enfant ! Le fruit des amours du titan Cronos et de Rhéa, avait engendré Jupiter, qui allait devenir le dieu du ciel, de la lumière et de la foudre, le dieu de tous les dieux de l’Olympe !

Mais avant de devenir la divinité respectée et redoutée par l’univers tout entier, Jupiter était un bambin qui, l’instar de tous, riait, s’amusait et pleurait. Lorsque des larmes coulaient sur ses joues, Ida faisait tout pour le réconforter. Un beau jour, Jupiter faisant caprice sur caprice et ne cessant de gémir, Ida désemparée, ne sut plus quoi faire pour le tranquilliser. Elle se décida finalement à escalader le mont qui porte aujourd’hui son nom, pour y cueillir des petits fruits au goût suave et délicat…

En ces temps immémoriaux, les framboises n’avaient pas l’apparence que nous leur connaissons. Blanchâtres, elles étaient produites par des arbustes très épineux. Impatiente de retrouver au plus vite Jupiter, la jeune nymphe, tout en remplissant son panier, se piqua le sein avec une épine de l’arbuste. Le sang coulant alors sur une framboise, la teinta définitivement de rouge. L’histoire ne dit pas si Jupiter s’est calmé après en avoir mangé !

 

 

La ronce du mont Ida

Cette légende fit écrire au célèbre Pline que les framboisiers sont originaires du mont Ida, en Crète. Mais le génial naturaliste romain, mort en l’an 79, se trompait. L’arbuste que Linné a nommé Rubus idaeus en 1753, montrant ainsi son appartenance aux ronces, tout en évoquant dans le nom d’espèce le mont Ida, pousse spontanément dans tout l’hémisphère Nord, surtout dans les zones montagneuses d’Europe. Les plants sauvages se sont aujourd’hui raréfiés, mais il est encore possible d’en voir sur les versants des Alpes, du Massif Central et des Vosges.

Bien que les framboisiers croissent le long des chemins, les framboises furent durant des siècles considérées comme de peu d’intérêt. En 1782, Pierre Jean-Baptiste Le Grand d’Aussy (1737-1800) écrivait dans son Histoire de la vie privée des Français que, jusqu’à la fin du seizième siècle, les framboises n’étaient pas très appréciées. L’auteur précise qu’elles étaient considérées comme des fruits de ronce, abandonnés aux paysans, aux mendiants et aux écoliers. Il ajoute qu’il fallut attendre le dix-huitième siècle pour les consommer, mélangées avec des fraises et des groseilles ou incorporées dans certaines confitures pour les parfumer.

Le framboisier est une ronce épineuse

Portées par des tiges épineuses, les framboises sont des fruits composés de nombreuses petites drupes. À maturité, elles se détachent facilement de leur réceptacle en forme de cône. Les feuilles, blanchâtres à la face inférieure, sont pennées. Celles de la base sont composées de cinq à sept folioles dentées ; les feuilles de la partie supérieure des pousses sont trifoliolées.

Le framboisier est une plante assez turbulente

Le framboisier doit être installé dans un endroit assez isolé du jardin, car il se montre assez conquérant et même franchement envahissant par ses très nombreux drageons. Une taille annuelle doit lui être appliquée courant février afin de renouveler en permanence sa végétation et favoriser la production fruitière.

Les vertus officinales du framboisier

Jadis, médecins et apothicaires furent persuadés que les propriétés médicinales des framboises pouvaient venir à bout des maladies même les plus redoutables : les framboises possèdent les mêmes vertus que les mûres sauvages, mais elles sont plus cordiales. Jusqu’au dix-neuvième siècle, elles étaient supposées fortifier le cœur et l’estomac, hydrater, purifier le sang, donner bonne bouche et rafraîchir. Les framboises étaient appréciées pour lutter contre les fièvres et les maladies malignes, « pour réveiller les forces et chasser la malignité ». Le sirop de framboises, qui se compose à parts égales de jus et de sucre, vaudrait mieux que « toutes les perles et pierreries pour fortifier le coeur et l’estomac ».

Le vinaigre, obtenu par l’infusion de framboises, était considéré comme un bon préventif contre la peste. Comme il est précisé dans un texte paru vers 1780, les hommes cueillent les framboises mais plantent peu d’arbustes. Les framboisiers n’ont toujours pas leur place dans les vergers ou les potagers. Ce n’est véritablement qu’à partir du dix-neuvième siècle que les qualités gustatives du fruit furent enfin reconnues.

Un peu de botanique

Contrairement aux idées reçues, les framboises ne sont pas des baies, mais des fruits composés de nombreuses petites drupes, c’est-à-dire des fruits charnus renfermant un noyau (comme la cerise, la pêche ou l’abricot). La formation de ce fruit, une polydrupe composée de drupéoles, est due à ce que les fleurs possèdent plusieurs carpelles libres. Comme la plupart des fruits courants : pommier, poirier, cerisier, prunier, abricotier, pêcher, etc., le framboisier appartient à la famille des Rosacées, ce qui en fait aussi un cousin du rosier. Son nom vernaculaire d’origine francique, dérive de brambasi, fruit de ronce. Pour certains historiens, le nom framboise serait issu de la déformation de « fraise des bois ».

Valeur nutritionnelle de la framboise

Pauvres en calories (38 Kcal/100 g), les framboises sont idéales pour celles et ceux qui prennent soin de leur ligne. Elles possèdent l’une des plus fortes concentrations en minéraux rencontrée dans les fruits (potassium, magnésium et calcium). Elles sont aussi riches en vitamine C, E et P, cette dernière favorisant la circulation sanguine. Si l’exagération des prétendues vertus médicinales qu’on leur prêtait autrefois est attestée, il est aujourd’hui reconnu que les framboises sont diurétiques et laxatives, grâce à leur richesse en fibres. On murmure encore dans les campagnes qu’elles soulageraient les femmes de la douleur des règles et tonifieraient les muscles.

On sait aujourd’hui que la framboise est le fruit le plus riche en acide ellagique, un polyphénol antioxydant qui aiderait à prévenir certains cancers. Elle contient aussi des anthocyanines (pigments rouges) aux propriétés antioxydantes. Ces substances luttent contre le vieillissement cellulaire et améliorent l’élasticité de la peau. Elles évitent aussi les rougeurs (couperose) en renforçant la résistance des petits vaisseaux sanguins de l’épiderme. En revanche, comme tous les fruits à très petits pépins, la framboise (mais aussi la tomate) est déconseillée aux personnes souffrant de diverticulose intestinale, car les pépins sont mal évacués et peuvent provoquer des irritations.

Des framboises de toutes les couleurs

Depuis qu’il maîtrise et développe les techniques horticoles et qu’il possède des notions de botanique, l’homme n’a eu cesse de travailler à l’amélioration de la productivité et de la qualité des fruits et des légumes. La framboise n’échappe bien sûr pas à cette pratique. Dès la Renaissance, il fut créé quantité de cultivars remontants et non remontants. Mais il faut bien reconnaître que les framboises sauvages bénéficient d’une saveur sans égale, dont la subtilité du goût reste incomparable. L’homme ne semble pas être capable de surpasser la nature dans sa quête de perfection. Les framboises sont généralement rouges, mais il existe des variétés diversement colorées. Blanches : ‘Merveille des quatre saisons blanche’ ; noires : ‘Allen’, ‘Bristol’, ‘Cumberland’ ; pourpres : ‘Purple Royalty’ ; roses : ‘Bois blanc’, orange : ‘Surprise d’automne’ ou jaunes : ‘Fallgold’, ‘Golden Queen’, ‘Jaune d’Anvers’, ‘Sucrée de Metz’.

Parmi les framboises rouges, les meilleures variétés horticoles non remontantes sont : ‘Llyod George’ au fruit souple, sucré, très parfumé, mais peu productif. L’arbuste, moyennement vigoureux, produit de juin à mi-juillet. ‘Magnifique Delbard’, le gros fruit de bonne qualité gustative est produit de mi-juillet à mi-août, par un plant vigoureux et productif, résistant aux maladies. ‘Malling promise’, un gros fruit pointu, parfumé. C’est un des plus précoces, avec une récolte de juin à la première semaine de juillet. L’arbuste vigoureux résiste bien à la mosaïque et accepte les sols secs.

Parmi les framboisiers remontants : ‘Belle de Malicorne’, produit un gros fruit bien coloré, parfumé et sucré. L’arbuste productif, vigoureux, est peu épineux. ‘Heritage’, le fruit ferme et acidulé, de bonne qualité est récolté jusqu’à fin septembre, porté sur un pied rustique, vigoureux, au port érigé, facile à cultiver. ‘September’, donne de gros fruits très goûteux, à la production bien étalée. L’arbuste supporte les sols un peu calcaires, mais il réussit mal en altitude. ‘Zeva’ produit tardivement d’énormes fruits très foncés, parfumés, de courte conservation. Très vigoureux et développant des cannes érigées, l’arbuste ne nécessite pratiquement pas de palissage, mais il craint les sols humides.

Un fruit de luxe

Chaque année, il se produit environ 400 000 tonnes de framboises partout sur la planète. Le premier producteur mondial est la Russie avec près de 30 % du marché, suivi par la Serbie avec 20 %, qui est aussi le premier exportateur planétaire. Avec environ 7 500 t par an, produites principalement dans la région Rhône-Alpes et en Corrèze, la France occupe la dixième place mondiale (2 % de la production). Fragile, la framboise demande soin et dextérité pour sa récolte.

Une cueilleuse experte n’en prélève guère plus de trois kilos en une heure, ce qui explique le coût élevé de ce fruit, dont les deux tiers du son prix de revient sont directement liés à la main-d’oeuvre. Le conditionnement et le transport délicats, requièrent de l’attention. Curieusement, si les prénoms féminins Prune, ou Cerise sont assez répandus, Framboise est moins courant. Depuis 1900, seuls huit enfants auraient ainsi été baptisés. Dommage, car Framboise est symbole de douceur, délicatesse et fraîcheur dans le langage des fleurs.


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