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L’AIL CULTIVÉ, UN FORT EN GUEULE

L’ail commun (Allium sativum) a appartenu à diverses familles botaniques dont les Liliaceae et les alliaceae, avant que la classification phylogénétique APG III de 2009, n’intègre toutes les plantes du genre Allium dans la  famille des Amaryllidaceae. Appelé aussi « ail cultivé », c’est une plante condimentaire connue de tous et cultivée pour ses « têtes », des bulbes composés de 5 à 20 gousses et protégés par une fine tunique. On trouve de l’ail sauvage en Ouzbékistan et au Kazakhstan. Il pourrait bien être originaire de l’un de ces pays.

Il y a 6 000 ans, la saveur et les vertus de l’ail étaient déjà très appréciées des populations du Sud de l’Europe et du pourtour méditerranéen. En Égypte, sur le plateau de Gizeh, le puissant pharaon Khéops (quatrième dynastie), fit bâtir n guise de complexe funéraire, vers 2 500 ans avant Jésus-Christ, une pyramide haute de presque 150 m de haut et  230 m de large, représentant plus de 2,5 mlillions de mètres cubes de pierre.

Les ouvriers travaillaient durement pour sa construction et pour trouver l’énergie nécessaire, ils mangeaient de l’ail en quantité. Pour quelques spécialistes, c’est d’ailleurs avec ce légume qu’ils étaient rémunérés. La plante était déjà réputée bonne pour la santé et des gousses étaient déposées dans la sépulture des défunts pour les accompagner et les nourrir lors du dernier voyage.

Les nomades ont disséminé la plante au gré de leurs migrations. Les Grecs considéraient l’ail comme aphrodisiaque. Ils en incorporaient dans leurs philtres d’amour. Ils imitaient ainsi Aphrodite, la déesse de l’amour, de la beauté et des plaisirs qui élaborait elle-même ses potions qu’elle offrait ensuite à boire à ses nombreux prétendants.

Ail médicinal et magique

Sous la Rome antique, l’ail était cultivé pour ses propriétés médicinales et employé comme antiseptique, bactéricide et fongicide. Les médecins vantaient ses innombrables qualités. La plante était, paraît-il, efficace pour lutter contre la folie et procurait à ceux qui en mangeaient un sommeil de qualité. De tous les légumes, l’ail était alors réputé posséder le plus de pouvoirs magiques. Il était supposé éloigner les vampires et protéger des forces du mal.

Les grands maîtres prétendaient que l’ail guérissait des morsures de serpents, des piqûres d’insectes et de scorpions. L’ail servait aussi à combattre la peste, la lèpre et autres maladies. Il était à l’époque fortement conseillé de suspendre au-dessus du seuil de la maison quelques gousses pour tenir à distance les animaux dangereux et les esprits malfaisants.

 

Ail, plante dénigrée au Moyen-Âge

En France, du douzième au seizième siècle, l’ail devint le symbole de l’insignifiance. Comme pour les nèfles et les prunes, « ça ne vaut pas un ail » est une expression qui désigne des produits de peu d’intérêt. L’ail fut délaissé par les bourgeois et les nantis. Il était réservé aux paysans et aux personnes de modeste condition.

Dans les campagnes, l’ail mélangé à des amandes pilées et de la mie de pain, puis plongé dans un bouillon donnait l’aillée. Cette mixture très populaire était vendue sur tous les marchés de France et de Navarre. Rien d’étonnant à ce que, la mère d’Henri IV (Jeanne III d’Albret 1555-1572) ou son grand-père (Charles de Bourbon-Vendôme (1489-1537), car les versions diffèrent, frotta avec de l’ail les lèvres du bambin juste né. On dit que le « bon roi Henri » en garda une passion éternelle et en consomma tous les jours.

Ail, légume aux propriétés antioxydantes

À poids équivalent, l’ail possède une capacité antioxydante plus élevée que la plupart des légumes. L’allicine, molécule responsable de l’odeur piquante et bien particulière de la plante, évolue en composés sulfureux très protecteurs.

Odeur puissante et pas toujours repoussante

Bien qu’il fut un grand séducteur, Henri IV (1572-1610), que l’on appelait non sans raison le Vert Galant, avait, dit-on, une haleine à terrasser un bœuf à vingt pas ! Elle était due à sa consommation immodérée d’ail. Le problème de ce bulbe comestible est son odeur. Déjà, le poète latin Horace (-65 à -8), dénonçait les méfaits de l’ail dans ses épodes publiées en 29 avant Jésus-Christ : « S’il vous arrive jamais de demander un semblable ragoût, Mécénas, je prie les Dieux que votre maîtresse mette sa main devant votre bouche quand vous voudrez la baiser, et que pour fuir vos caresses elle couche sur le petit bord du lit. »

Ail, plante de toutes les vertus

Au dix-huitième siècle, la médecine s’intéressa à tous les légumes et à l’ail en particulier. Les ouvrages savants de l’époque précisent que : « sa racine est chaude et apéritive. Son usage interne est dans la colique venteuse, contre les vers, contre la peste avec du vinaigre, contre la toux et les calculs ; elle conforme les viscosités de l’estomac et elle excite l’appétit.  L’usage externe de l’ail est recommandé dans la gale, la toux, on oint la plante des pieds de son suc mêlé avec du saindoux. L’ail et l’oignon appliqués avec de l’huile sur la région du pubis lèvent la suppression d’urine. »

Même s’il faut rester prudent et donner peu de crédit aux prescriptions miraculeuses précédentes, il est avéré aujourd’hui que l’ail possède des vertus médicinales, dues principalement à ses composés sulfurés. Sa consommation diminuerait le taux de cholestérol et réduirait les risques de crise cardiaque. L’ail est réputé stimuler le système immunitaire et posséder des propriétés antibiotiques, expectorantes. L’ail est aussi réputé hypotenseur et anticoagulant. Mais attention, seul un médecin est qualifié pour parler de santé et la consommation des plantes ne doit jamais se substituer à une prescription médicale sérieuse.

Ail, un vrai stimulant culinaire

L’ail est surtout employé en cuisine et il se consomme cuit ou cru, frais, séché ou congelé. La France produit chaque année 46 000 t d’ail, une goutte d’eau comparée aux quelque 15 millions de tonnes cultivées dans le monde. La Chine est, comme presque toujours, le premier producteur planétaire, avec plus de 12 millions de tonnes, suivie par l’Inde avec 500 000 t, loin devant l’Europe qui n’en produit « que » 280 000 t, dont la très grande majorité en Espagne.

Beaucoup de consommateurs restent convaincus que l’ail soigne tout ou presque. L’annonce d’une pandémie grippale en 2009 a fait augmenter la consommation mondiale. Des écoles chinoises sont allées jusqu’à acquérir 200 kg de bulbes dans le sesul but de prévenir la maladie ! En Moldavie, les autorités militaires ont ordonné qu’il soit distribué chaque jour aux soldats  d’ail pour renforcer leur système immunitaire (l’effet bactéricide est réel). En conséquence, la production mondiale peine à satisfaire le marché. Le cours de l’ail n’a donc cessé d’augmenter ces dernières années.

Ail label rouge

Depuis 1966, l’ail rose de Lautrec (dans le Tarn à 30 km au nord d’Albi) bénéficie d’un Label Rouge et une IGP (Indication géographique protégée), depuis 1996, qui atteste que la plante est cultivée avec respect et tradition. Lautrec produit entre 400 et 800 tonnes d’ail labellisé par an, sur une surface de 350 ha qui est travaillée par 175 producteurs engagés dans une démarche responsable et de qualité. N’est labellisé que 40 à 60 % de la production totale. La Fête à l’ail, qui a lieu chaque premier dimanche d’août et durant laquelle 2 000 litres de soupe à l’ail rose de Lautrec  sont servis pour les dégustations, accueille 20 000 visiteurs en moyenne.


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