L’écriture a des effets bénéfiques sur la santé physique et mentale. Découvrez pourquoi vous devriez avoir un journal intime.
Les adeptes des médecines douces savent depuis longtemps que l’activité créatrice améliore l’état de santé (pensez à la popularité des thérapies par l’art et la musique). La science est en train de le démontrer à propos de l’écriture.
Déverser ses émotions sur le papier (ou l’écran) abaisse la tension artérielle, stimule le système immunitaire, atténue les symptômes de l’asthme et de l’arthrite, accélère la cicatrisation, augmente le nombre des globules blancs des sidéens et semble même aider les jeunes à cesser de fumer. À en croire un article publié en juin 2008 dans le Journal of Pain and Symptom Management, des cancéreux qui passaient 20 minutes par semaine à décrire par écrit les effets de leur maladie sur leur vie ont d’autant moins souffert et d’autant plus éprouvé de sérénité pendant les trois semaines de l’expérience qu’ils étaient capables d’exprimer leurs émotions dans leurs textes.
Isa Nevsky n’y verrait rien d’étonnant. Cette Torontoise de 57 ans, ancienne enseignante de maternelle et mère de trois garçons, a exploré toutes sortes de thérapies non médicales pour combattre un cancer colorectal métastasé: yoga, méditation, expression artistique. Elle qui ne s’était jamais senti à l’aise une plume à la main estime que l’écriture est l’un des meilleurs traitements dont elle ait bénéficié au cours des 14 années écoulées depuis qu’on lui a annoncé qu’elle avait six semaines à vivre. Elle l’a réalisé en participant à «Writing for the Health of It», un atelier offert aux cancéreux et à leurs proches par Wellspring, un réseau de centres de soutien aux victimes du cancer.
Son animatrice, Ariella Damelin, a fait un doctorat en pédagogie axé sur l’enquête narrative. Pendant huit semaines, elle donne à ses élèves une série d’exercices hebdomadaires qui finissent par constituer une collection de textes. Aucun n’a pour thème central la maladie. Traités sans autocritique ni souci des fautes d’orthographe ou de grammaire, les sujets ‘ «un livre qui a changé votre vie» ou «une lettre à l’enfant que vous avez été» ‘ produisent des narrations qui évoquent ou non la maladie, mais font souvent émerger des souvenirs cruciaux et des perspectives importantes. «Ce que je veux, c’est vous donner par la narration le sentiment que votre vie vaut toujours la peine d’être vécue, qu’elle n’est pas réduite à votre cancer ‘ il n’est qu’une partie du tout», explique Damelin.
Nevsky qualifie le résultat de magique: «J’ai découvert une part de moi-même dont j’ignorais tout. Les sujets faisaient toujours apparaître des choses inattendues. Je n’avais pas imaginé que tant de larmes de tristesse puissent se transformer en larmes de joie.»
James Pennebaker, directeur du département de psychologie à l’Université du Texas à Austin, est l’un des premiers à avoir étudié le pouvoir guérisseur de l’écriture. Il ne s’intéresse pas aux changements d’humeur, mais aux effets tangibles sur la santé physique ‘ et il en a trouvé beaucoup. Ses expériences sont basées sur la relation écrite d’un traumatisme. Une théorie très répandue veut que l’aveu des émotions et des secrets soit bénéfique parce que le silence est souffrance, mais Pennebaker n’est pas favorable aux confessions publiques. Il prône d’écrire pour soi. Les participants à certaines de ses expériences ont tiré des avantages mesurables de textes que personne n’a jamais lus.
Pennebaker pense que l’acte d’écrire change la façon dont nous percevons notre existence. Et il a constaté que certaines formes de narration sont plus efficaces que d’autres. Comme dans les thérapies par la parole, l’obligation de structurer le récit et de le renouveler ‘ au lieu de revenir sans cesse sur les mêmes histoires et émotions ‘ crée une perspective et une distanciation qui nous aident à interpréter les événements et à y réagir différemment. On peut se faire plus de mal que de bien en se limitant à la description des faits ou à celle des émotions; c’est le mélange des deux qui a des effets bénéfiques. Pennebaker a écrit un livre dans lequel il propose des exercices qu’on peut faire de manière complètement autonome.
Pennebaker ne croit pas que tout le monde puisse profiter d’une thérapie par l’écriture ni qu’il soit utile d’écrire tous les jours pendant de longues périodes; il conseille de prendre la plume au besoin. Il étudie actuellement les effets du changement de perspective induit par le passage de la première à la troisième personne (Je à elle, par exemple). Son hypothèse: l’égocentrisme de la première personne peut nuire à la compréhension des événements alors qu’en les relatant du point de vue d’un tiers, on a plus de chances d’y trouver un sens.
Le docteur Allan Peterkin, psychiatre à l’hôpital Mount Sinai de Toronto, mise davantage sur le public. Il contribue à un atelier d’écriture thérapeutique destiné aux victimes du VIH/sida. Les participants sont censés utiliser les techniques narratives des écrivains ‘ détails précis, verbes d’action, dialogue ‘ pour relater une histoire vécue qui possède un début, un milieu et une fin. Ils ne sont pas obligés d’aborder les sujets qu’ils trouvent trop douloureux. «Nous les invitons à écrire pour un public imaginaire afin que l’histoire remonte à la surface et devienne pleinement compréhensible, pour les autres comme pour eux», dit-il en précisant que les auteurs lisent leur récit au groupe et en font parfois un livre.
Qu’on écrive pour soi ou aussi pour les autres, l’essentiel c’est le résultat. À 35 ans, Tasha Westerman, agent de ressources humaines à Calgary et mère d’un jeune enfant, lutte contre un cancer du sein. Son mari souffre d’une tumeur au cerveau et sa meilleure amie, d’une leucémie. Elle s’est essayée à tenir un journal dans l’un des nombreux cahiers à pages blanches qu’on lui avait offerts après son diagnostic, sans succès: «Écrire pour moi-même ne me disait rien.»
Elle a créé son blog pour une raison pratique: «J’étais stressée par la multitude d’appels et de courriels de tous ceux qui voulaient m’aider et savoir comment ça allait.» Le blog a réglé ce problème et a eu d’autres effets bénéfiques.
«Quand on a le cancer, l’information déboule vite, et les décisions doivent être prises encore plus rapidement, explique-t-elle. Je me suis rendue compte que le blog m’aidait à rassembler mes idées, à résumer ce qui s’était passé durant mes rendez-vous et à confirmer les décisions que j’avais prises.» Sa page de commentaires reçoit beaucoup de lettres de soutien venant non seulement de ses amis, mais aussi de parfaits étrangers. Et elle s’est mise à exprimer ses émotions, même si elle n’en avait pas l’intention au départ. «Quand j’écris pour des lecteurs, j’en profite plus. J’apprends plus de choses sur moi-même et mes sentiments profonds parce qu’ils jaillissent sans effort. C’est une façon de remettre en perspective ce qui m’arrive.»
Westerman, qui aurait été la première à ricaner si on lui avait dit qu’un blog pouvait améliorer son état de santé, est désormais convaincue qu’en atténuant son stress, les notes qu’elle livre à ses lecteurs en ligne font partie de ce qui la garde en vie.
Dans son livre Writing to Heal: A Guided Journal for Recovering from Trauma and Emotional Upheaval, Pennebaker propose aux gens troublés par une situation stressante ou des souvenirs douloureux cet exercice tout simple.
‘ Écrivez 20 minutes par jour pendant quatre jours.
‘ Relatez un conflit ou une crise grave, quelque chose de personnel et d’important qui vous a touché directement ; vous pouvez traiter du même sujet quatre fois ou en changer d’un jour à l’autre.
‘ Écrivez d’une traite sans vous soucier des fautes de grammaire ou d’orthographe.
‘ Écrivez pour vous seulement.
‘ Si un sujet vous bouleverse, arrêtez d’écrire.
Ne vous attendez pas à vous sentir mieux sur-le-champ (l’inverse peut arriver), mais prenez note des changements qui se produisent en vous dans les semaines suivantes.