Une nouvelle tendance gagne en popularité dans le monde de l’entraînement physique: la course à pieds nus. Cette activité est-elle pour vous? Devriez-vous l’essayer?
Vancouver, novembre! La température est légèrement sous zéro; un mélange de neige et de grésil commence à recouvrir le sol et à s’accumuler aux arbres. Un petit groupe de coureurs termine une course de 10 km sur l’incomparable campus de l’Université de Colombie-Britannique. Parmi eux, une silhouette mince sautille légèrement sur le pavé glacé; elle semble faire des foulées plus courtes et se tenir plus droit que les autres. Elle ne porte pas de souliers…
À chacun de ses pas sur l’asphalte, Katie Kift, de Port Moody en Colombie-Britannique, ressent la neige mouillée, le froid et les aspérités du sol. Pour elle, c’est une potion magique.
Et elle n’est pas seule de son camp. Elle a mis sur pied le premier chapitre canadien de la Société des coureurs pieds nus. Cet organisme qui a pris naissance aux États-Unis se développe et il y a maintenant un second chapitre à Toronto. Les adeptes enthousiastes de cette mode croient que le fait de ne pas porter de chaussures pour courir place le corps dans une posture plus naturelle et moins à risque.
À l’âge de 38 ans, Katie Kift s’est mise à la course à pied il y a quelques années après un diagnostique de dégénérescence à la colonne vertébrale: elle devait faire quelque chose. Elle s’est équipée de bons souliers de course et elle appréciait ses sorties qui pouvaient atteindre 5 km, jusqu’à l’apparition d’une fracture de stress au talon. Par dépit, elle se mit à parcourir Internet à la recherche de renseignements sur les fractures de stress et c’est là qu’elle découvrit la course pieds nus. Elle fit ses premiers pas sans chaussures sur une piste intérieure. Mais parce que les règlements interdisaient cette pratique, elle se mit à utiliser les sentiers près de chez elle et n’est jamais revenue en arrière.
Mais est-ce que cela fait mal ou peut-on se blesser? Ceux qui courent toute la saison vous diront que la peau devient plus épaisse sous le pied. On peut aussi utiliser une chaussure minimaliste, flexible et légère, dont la semelle est plus mince et le talon moins élevé que sur les souliers de courses traditionnels. L’un des premiers modèles qu’elle a utilisé est le Vibram FiveFingers, présenté en Italie en 2006; depuis ce temps, beaucoup d’autres modèles sont apparus sur le marché.
«Lorsqu’on court pieds nus, le pied et la cheville jouent un rôle plus important pour amortir l’impact, explique Michael Ryan, lui-même un coureur pieds nus et un scientifique de l’Université Wisconsin-Madison dont les recherches portent surtout sur la médecine sportive et l’orthopédie. En fait, c’est leur rôle, poursuit-il. Les souliers enveloppent le pied pour le protéger des chocs mais ils produisent une charge disproportionnée dans la région du genou et de la hanche.
Cependant, Michael Ryan conseille d’être prudent lorsqu’on décide de passer aux chaussures minimalistes ou à la course pieds nus : les muscles, les tendons et les os du pied ont besoin d’une période de temps pour s’adapter au changement d’impact, tout comme le reste du corps. Parce qu’il court lui-même 22 km la fin de semaine avec des souliers minimalistes et fait deux sorties de 8 km en semaine, son corps s’est adapté. «Je sens que le mouvement est plus naturel et que je n’ai pas besoin d’autant d’effort pour courir, explique-t-il. Même s’il croit que cette mode se répandra plus lentement au Canada, elle est là pour rester.»
La torontoise Vanessa Rodriguez, a commencé à courir à 24 ans afin de lutter contre le stress; dernièrement, elle s’est mise à la course pieds nus. Maintenant âgée de 29 ans, cette nutritionniste et journaliste sur le Web court en sentiers. «J’aime la sensation de courir nu pieds. Pour moi, ce n’est pas seulement un exercice, c’est aussi une expérience physique et mentale.»
Évidemment, en dehors de la partie sud de la côte Ouest, les coureurs sans chaussures font face à des températures plus froides et aux précipitations plus abondantes de l’hiver canadien. Même si elle connaît des coureurs qui sortent jusqu’à moins 15 C, Vanessa Rodriguez enfile des chaussures minimalistes lorsque le mercure descend sous zéro et elle porte des chaussettes pour se réchauffer et prévenir les ampoules. Celles-ci sont les blessures les plus courantes des coureurs pieds nus, particulièrement au début, expliquent le médecin australien Craig Richards et l’Américain Thomas Hollowell, coauteurs du livre The Complete Idiot’s Guide to Barefoot Running.
Les blessures plus sérieuses? Vanessa Rodriguez affirme avoir eu de la chance: «Je ne me suis jamais cogné un orteil ou je n’ai jamais marché sur un objet contondant.» Cela devient une seconde nature d’examiner le sol devant soi pour prévenir les dangers. Katie Kift précise que si elle marche sur un objet, elle soulève son pied en moins d’une seconde avant de se couper.
La plupart des adeptes de cette activité affirment que courir sans chaussures modifie complètement leur gestuelle. La foulée est plus courte, le nombre de pas par minutes augmente, la posture est plus relevée et l’avant du pied est posé au sol avant le talon. Que se passe-t-il avec la voûte plantaire? Les muscles de la voûte se renforcent et soutiennent mieux le pied.
Benno Nigg, un expert en biomécanique de la course au Laboratoire de la performance humaine à l’Université de Calgary est d’accord avec les conclusions des chercheurs qui prétendent que même si les souliers ont été perfectionnés au cours des dernières années, le taux de blessure n’a pas diminué. Pour un coureur, le meilleur soulier est toujours le plus confortable. Benno Nigg indique que la mode de la course nu pieds n’est pas nouvelle, pensons à Zola Budd dans les années 80, et il croit que la tendance de fabriquer des souliers moins volumineux est là pour rester.
Si vous êtes intéressés d’aller sur les sentiers sans chaussures, effectuez la transition en douceur. Faites une course d’échauffement avant de commencer, conseillent Craig Richards et Thomas Hollowell, transportez une trousse de premiers soins et n’allez pas dans les endroits où l’on épand du sel et du gravier durant l’hiver. Dans ce cas, portez au moins des souliers minimalistes. Attendez-vous à des courbatures aux muscles qui n’auront pas été sollicités antérieurement et demandez à un physiothérapeute de vous conseiller des exercices d’étirement et d’échauffement spécifiques. Et n’oubliez pas que les durs de dur qui courent nu pieds sous zéro ont mis plusieurs années à habituer leurs pieds.
Katie Kift a dernièrement franchi une autre étape, s’adonnant à la natation en vue de faire des triathlons: satisfaite, elle affirme que la course pieds nus lui a donné une meilleure assurance.