Les scientifiques sont de plus en plus en plus nombreux à affirmer que plusieurs cas de cancer sont dus à une infection non diagnostiquée ou non traitée à temps. Voici ce que vous devez savoir sur le risque que vous courez.
Pendant des années, on a cru que le cancer était causé par le style de vie (alimentation trop grasse, tabagisme, manque d’exercice), par certains facteurs environnementaux (pollution, radiation, rayonnement ultraviolet) ou par des mutations génétiques. Mais aujourd’hui, les scientifiques savent que les infections provoquées par des virus, des bactéries ou des parasites, peuvent être la cause de certains cancers. De nature insidieuse et asymptomatique, ces infections couvent discrètement et provoquent des changements cellulaires pouvant créer des tumeurs malignes. À ce stade, bien peu de gens réalisent que quelque chose cloche et ils ne pensent pas à se faire traiter.
Généralement, l’infection ne suffit pas à provoquer une tumeur maligne. Les trois principaux facteurs de risque, style de vie, environnement et génétique, pourraient aussi entrer en ligne de compte. Mais comme nous savons aujourd’hui que certains cancers n’apparaîtront pas sans la présence d’une infection sous-jacente, la stratégie de prévention a changé: faire un test pour détecter et traiter les infections suivantes, ou recevoir un vaccin pour s’en prémunir.
Au début des années 70, le docteur Harald zur Hausen présentait une idée révolutionnaire lors d’un congrès scientifique à Key Biscayne, en Floride: le virus du papillome humain (VPH), pouvant causer des verrues anogénitales, était le grand responsable du cancer du col de l’utérus. Personne ne l’a cru. Mais le docteur zur Hausen, aujourd’hui professeur émérite au Centre de recherche allemand sur le cancer à Heidelberg, s’était donné pour mission de tout connaître sur cette maladie qui tue chaque année près de 300,000 femmes dans le monde. «J’étais convaincu d’être dans la bonne voie, mais je savais qu’il me faudrait encore y consacrer beaucoup d’efforts pour le prouver.» Il existe plusieurs souches de VPH, dont certaines sont inoffensives et d’autres très dangereuses. C’est en 1984, après avoir réalisé l’analyse moléculaire de milliers de verrues que la lumière apparut enfin. Le docteur zur Hausen venait de réaliser que seules deux souches du virus, les VPH 16 et 18, se retrouvaient dans 70% des cancers du col de l’utérus.
À la fin de 2006, 49 pays dont le Canada, approuvaient un vaccin contre le VPH. Comme cette maladie est transmissible sexuellement, le meilleur moment pour vacciner les jeunes filles se situe avant le début de leur vie sexuelle active. Actuellement, plus de 40 millions de doses de ce vaccin ont été distribuées à travers le monde.
Le cancer du col de l’utérus progresse lentement et il faudra encore des années avant d’évaluer les avantages du vaccin. Mais en février 2010, une étude touchant plus de 17,000 femmes de Bogota a montré que le vaccin pouvait diminuer de 90% le nombre d’anomalies causées par le VPH 16 et le VPH 18 au col de l’utérus.
Lorelei Mucci, épidémiologiste et professeure adjointe en médecine à l’École de santé publique d’Harvard vient de terminer une recherche sur la relation entre les infections sexuelles et le cancer de la prostate. L’étude, portant sur plus de 1,300 sujets, démontre que l’exposition à une trichomonase, une infection transmise sexuellement, triple le risque, chez l’homme, de développer une forme particulièrement maligne et mortelle du cancer de la prostate.
«Provoquée par un parasite, le Trichomonas vaginalis, l’infection est discrète chez la femme, explique madame Mucci, et elle présente rarement des symptômes chez l’homme. Cette infection évolue lentement et longtemps et cause une inflammation chronique qui endommage les cellules et les tissus, provoquant des changements précancéreux.»
Si d’autres études confirment le bien-fondé de cette relation, un court traitement d’antibiotiques pourrait prévenir certaines formes du cancer de la prostate. «On ne croyait pas que la Trichonomase était une maladie grave, poursuit madame Mucci. Maintenant, nous savons que nous devons nous préoccuper de ses effets à long terme.»
À l’échelle planétaire, environ 250,000 hommes meurent chaque année du cancer de la prostate. Près de 4% des Américains mâles présentent une forme maligne de cette maladie.
Au début des années 70, un jeune Américain, le docteur R. Palmer Beasley, mène des études sur l’hépatite B à Taiwan, où le taux de prévalence est très élevé. Il travaille dans un centre de recherches créé par l’Université de Washington à Seattle. Au cours de ses travaux sur les modes de transmission de la maladie, notamment de la mère au nouveau-né, il remarque un taux anormalement élevé de cancer du foie dans la région de Taiwan. Après des recherches plus poussées, il émet l’hypothèse que l’hépatite B cause le cancer. «On croyait que j’étais fou, se rappelle le docteur Beasley, aujourd’hui professeur au département d’épidémiologie à l’Université du Texas à Houston. On parlait d’aberration parce qu’on croyait, à cette époque, que la solution passait par les produits chimiques.»
Pourtant, le docteur Beasley persiste et en 1975, il entreprend une étude qui fera date en démontrant que le cancer du foie survient presque uniquement chez les personnes infectées par le virus de l’hépatite B, la majorité d’entre elles étant porteuse du virus mais sans symptômes de maladie du foie.
Le cancer du foie est généralement mortel et cause près de 700,000 décès par année. Mais nous sommes maintenant en mesure de le circonscrire. Des études récentes montrent que les jeunes Taïwanais de 6 à 19 ans auxquels on a administré le vaccin de l’hépatite B à la naissance ont un risque 70% plus faible que les autres de contracter un cancer du foie.
Le cancer du col de l’utérus, le cancer gastrique et le cancer du foie sont les principales formes de cancer provoquées par une infection. D’autres formes moins courantes, comme le cancer du système immunitaire (le lymphome de Burkitt, la maladie de Hodgkin), le cancer du larynx, de l’sophage et de la peau (le sarcome de Kaposi, le carcinome à cellules de Merkel), se développent de la même façon. «De façon générale, 21 pour cent des cancers sont reliés à une infection, affirme le docteur zur Hausen du Centre allemand de recherche sur le cancer. Cela dépasse le niveau d’incidence du cancer relié au tabagisme qui est de 18 pour cent. Je pense que nous en découvrirons encore à ce sujet.»