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Déjouer le tueur no 1

Pour nous sensibiliser à la maladie cardiaque, A cœur d’y voir clair a enrôlé deux porte-parole de choc: Denis et Martin Brodeur.

Ex-gardien de but de l’équipe canadienne de hockey médaillée de bronze aux Jeux olympiques de 1956, en Italie, et photographe sportif de renommée internationale, Denis Brodeur, 78 ans, est aussi – et surtout – le père aimant de cinq enfants. Dont Martin, 36 ans, le célébrissime cerbère des Devils du New Jersey. Très soucieux de leur santé, le père et le fils se joignent cette année au programme de prévention A cœur d’y voir clair. Nous avons rencontré ces deux hommes qui ont le cœur à cœur.

Julie Laferrière: Pourquoi vous êtes-vous associés à ce programme en particulier?
Martin Brodeur: Quand on m’a proposé de m’impliquer dans cette campagne, il y a quelques mois, j’ai tout de suite accepté. Le décès de mon ami Paul Buisson, en 2005, et l’accident vasculaire cérébral de mon père, plus tard la même année, m’ont sensibilisé plus que jamais aux maladies cardiaques. J’ai donc demandé à mon père de participer avec moi à la campagne afin de sensibiliser un grand nombre de gens à la prévention des maladies du cœur – car peu le sont réellement. Chaque début de saison, les joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH) sont soumis à des examens médicaux intensifs: des contrôles sanguins ainsi que des tests d’effort. J’ai donc le privilège d’être suivi à la loupe par le médecin de mon équipe et d’être conscient de l’importance de la prévention. Je sais que je suis choyé, et c’est ma responsabilité de partager mes connaissances en matière de prévention. C’est simple: il s’agit de subir des examens régulièrement. C’est le meilleur moyen de détecter une anomalie avant qu’il ne soit trop tard. En fait, ne pas prévenir, c’est tricher avec soi-même!

J.L.: Outre votre expertise d’athlète, y a-t-il des antécédents dans votre famille ou autour de vous qui vous rendent particulièrement sensible à cette cause?
M.B.: Oui. D’abord ma sœur, qui a eu un accident cardiaque dans la mi-vingtaine; c’est rare à cet âge. Puis mon père, il y a trois ans. Mais tout va bien maintenant. Dans les deux cas, il s’agissait d’incidents légers qui ont été bien traités.

J.L.: Et vous, Denis, pourquoi vous être embarqué dans cette aventure?
Denis Brodeur: Comme j’ai eu une attaque cardiaque, je suis la personne parfaite pour en parler. Si, à 75 ans, mon malaise n’a pas eu de conséquences graves, c’est parce que, justement, j’ai été prévoyant. Je suis suivi régulièrement depuis des années.

J.L.: Avez-vous changé votre mode de vie depuis cet incident?
D.B.: Oui. Je me nourris différemment, par exemple. Je n’ai jamais bu ni fumé, mais je dois faire attention à mon cholestérol, car je n’ai pas toujours eu une alimentation exemplaire. Je ne mange plus de frites… Enfin, presque plus. [Rires.]

J.L.: Au Canada, une personne succombe à une maladie du cœur ou à un AVC toutes les sept minutes, et les maladies cardiovasculaires sont responsables du décès de plus de Canadiens et de Canadiennes que toute autre maladie. Sachant cela, comment expliquer que les Canadiens ne soient pas plus prévoyants?
M.B.: Nous nous inquiétons de ce qui est visible. Le cœur, lui, est caché. Il faut d’autant plus le prendre en main. Je sais de quoi je parle, car j’ai vu mon cœur tout récemment. Pour mon opération au coude, on m’a fait passer un sonogramme afin d’être certain que mon cœur supporterait l’intervention. J’ai pu observer celui-ci sous toutes ses coutures. C’est très impressionnant.

J.L.: Et comment se porte-il?
M.B.: Très bien. Les médecins m’ont dit que j’avais un très bon cœur d’athlète. Souvent, nous avons le cœur un peu plus gros que la moyenne. Mais qui dit plus gros ne dit pas nécessairement plus fort. Il faut être prudent.

J.L.: A propos de prudence, la LNH se soucie-t-elle de la prévention des maladies du cœur chez ses joueurs?
M.B.: Oui, absolument. Et ce n’est malheureusement pas le cas partout, comme nous l’a appris la mort tragique d’Alexeï Tcherepanov, un tout jeune hockeyeur russe qui souffrait d’un problème cardiaque. Il est décédé au mois d’octobre dernier, au cours d’un match de la Ligue continentale de hockey, en Russie. Il avait 19 ans. C’est terrible. Ici, ça ne serait pas arrivé. Les médecins auraient aussitôt détecté cette fragilité et seraient intervenus pour que jamais ce jeune joueur ne mette sa vie en danger.

J.L.: Denis, vous qui connaissez le hockey de A à Z, diriez-vous que ce sport est particulièrement éprouvant pour le cœur des joueurs?
D.B.: Oui, mais certains sports le sont davantage. Comme le soccer, où l’effort est constant et où il n’y a pas de remplaçants. Le hockey implique des sprints intenses de 25 à 30 secondes. Curieusement, c’est avant la partie que le niveau de stress est le plus élevé. Une fois dans le match, ça va parce qu’on est concentré sur le jeu.

J.L.: Et la position de gardien? Est-elle particulièrement stressante ou, au contraire, plus «reposante» pour le cœur?
M.B.: Oh! Etre dans les buts, c’est la position la plus stressante! Tu es seul. Tu ne peux pas parler à l’entraîneur. Mais je supporte bien cette pression parce que j’adore le fait que ma concentration et mes décisions sont déterminantes dans l’issue de la partie.

J.L.: Denis, vous qui avez aussi occupé cette position, quelle comparaison feriez-vous entre le rôle de gardien au hockey et celui du cœur?
D.B.: Un joueur d’avant peut prévenir une erreur ou être sauvé par un défenseur. Le gardien, lui, n’a plus personne derrière lui pour empêcher un but. Il est le cœur de la partie.

J.L.: Ainsi, notre cœur serait un but à protéger?
D.B.: C’est ça. Exactement.

J.L.: En terminant, qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur?
D.B.: Ma famille.
M.B.: Ma famille, mes enfants, et appliquer les valeurs que mon père m’a transmises: le respect des autres, l’entraide… et avoir bon cœur.

Assurément, le programme A cœur d’y voir clair ne pouvait espérer de meilleurs alliés que Denis et Martin Brodeur!


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