Actinidia deliciosa est un arbuste volubile originaire du sud de la Chine. Ses longues tiges vigoureuses, aux feuilles velues et arrondies, s’enroulent autour de leur support. La plante se présente sous l’aspect d’une liane sarmenteuse qui peut atteindre 10 m de long et produire jusqu’à 50 kg de fruits, très riches en vitamines.
Les paysans chinois nommaient le fruit Yang Tao , nom qui signifie « pêche du Yang ». Ils ne le cultivaient pas, se contentant de le cueillir sur les plants qui prospéraient à l’état sauvage. Au dix-huitième siècle, l’agriculture chinoise occupait déjà de gigantesques surfaces et les populations, après avoir décimé des milliers d’hectares de forêts pour produire toujours plus, prenaient soin des plantes nourricières poussant dans les talus, les fossés et les endroits impropres à la culture des céréales. La pêche du Yang était moyennement appréciée des Chinois qui, même s’ils en mangeaient de temps à autre, préféraient utiliser sa pulpe pour élaborer une colle utile à la fabrication du papier.
Comme souvent, les historiens sont partagés sur le nom du découvreur la plante. Bien qu’il existe peu de documents sur les explorateurs qui sillonnèrent l’Asie au dix-huitième siècle, il y a fort à parier que notre découvreur était un homme d’église, les seuls autorisés à visiter la Chine, car ils se déplaçaient sans arme. Selon certaines sources, le premier Européen ayant décrit la pêche du Yang serait Pierre Nicolas le Chéron d’Incarville (1706-1757), un jésuite français né à Louviers et passionné de botanique, qui parcourut la Chine dès 1740. Il mourut à Pékin le 12 juin 1757.
D’autres sources attribuent la découverte de la plante au botaniste montpelliérain Jules-Émile Planchon (1823-1888) qui, en 1837 décrivit Actinidia chinensis, devenu officiellement en 1984 sous la plume de Chou Fen Liang et Allan Ross Ferguson : Actinidia deliciosa. Notez que ce nom avait déjà été utilisé par le Français Auguste Jean-Baptiste Chevalier (1873-1956).
» Une délicieuse souris végétale au corps velouté, dont la chair émeraude distille sur le palais un nectar voluptueux avec la juste pointe d’acidité nécessaire au réveil des sens. »
Les fleurs et les plants de kiwis sont unisexués
D’abord blanc-ivoire, puis jaunâtres, les fleurs de l’actinidia, réunies en petites grappes de trois à cinq corolles, mesurent de 3 à 4 cm de diamètre. Ces fleurs unisexuées apparaissent en juin, mâle et femelle se trouvant sur des pieds séparés, ce que les botanistes appellent des plantes dioïques. Au jardin, il est donc nécessaire de planter au moins un couple pour obtenir une fructification, à moins de choisir un cultivar monoïque (fleurs mâles et femelles sur le même pied) tel : ‘Boskoop’, ‘Jenny’, Solo, ‘Solissimo’, etc, dont la végétation et la production sont généralement plus faibles.
Le kiwi, fruit star de la Nouvelle-Zélande
La date d’introduction d’Actinidia deliciosa dans notre pays fait encore débat. Nombre de spécialistes pensent que la plante fut importée à la fin du dix-neuvième siècle, mais que sa culture n’intéressa pas ou à peine la communauté scientifique et pas davantage les arboriculteurs. Officiellement, la liane aurait été introduite en France en 1904 ; un premier pied étant planté à Paris dans les jardins du Muséum national d’histoire naturelle et d’autres plants cultivés dans le Sud, près de Nice.
Les jardiniers constatèrent avec bonheur que l’actinidia se développait vite, mais il fut considéré comme une simple curiosité et les botanistes se contentèrent d’en conserver quelques pieds. En 1906, la plante fut introduite en Nouvelle-Zélande comme espèce fruitière par Isabel Fraser (1863-1942), une enseignante qui fit de l’éducation des femmes une priorité. Après avoir œuvré au Japon, Isabel Fraser partit en 1903 pour une mission en Chine. De retour dans son pays en 1906, elle offrit à son ami et pépiniériste Alexander Allison trois plants d’Actinidia, que celui-ci s’empressa de cultiver. On obtint, dès 1910, les premiers fruits. En dépit de son subtil goût acidulé, la « groseille de Chine » comme on l’appelait alors, se limita aux jardins privés ou aux collectionneurs de végétaux rares. L’obtention par l’horticulteur Hayward Wright en 1924 à Avondale, une banlieue d’Auckland, de plusieurs cultivars dont ‘Wright’s Giant’, permit l’essor de ce fruit. Vers 1940, la Nouvelle-Zélande en cultivait des milliers d’hectares.
Le kiwi est un vrai succès de marketing
En Nouvelle-Zélande, la production des kiwis est concentrée au nord du pays, dans une région au nom prédestiné : la baie de l’Abondance, située au nord-est de l’île du Nord. Ce site a été choisi pour cultiver Actinidia deliciosa en raison de son sol qui ne retient pas l’eau des pluies régulières, son hiver froid mais sans excès et son printemps doux sans chaleur abusive. Dans les années 1940, 2 700 arboriculteurs cultivaient déjà un fruit de très grande qualité. Pour écouler au maximum leur production en constante augmentation, il fut décidé de conquérir le marché américain. Mais comment, en pleine Guerre froide, vendre auprès des citoyens de ce pays des fruits appelés groseilles de Chine ? Tout produit « communiste » était interdit à la vente ou boycotté ! Les producteurs décidèrent alors de baptiser l’actinidia du nom de l’oiseau symbole de la Nouvelle-Zélande. Le succès fut immédiat et en 1974, « Kiwi » devint une marque déposée.
La France dans l’action depuis plus d’un demi-siècle
Dès les années 1960, les Français s’intéressèrent à ce fruit. Un architecte, qui, apparemment n’a pas légué son nom à la postérité, rapporta de Chine des plants qui furent cultivés en Gironde. Cela contredit l’hypothèse selon laquelle tous les plants de kiwis cultivés dans le monde seraient issus des trois pieds importés en Nouvelle-Zélande par Isabel Fraser. Aujourd’hui, ce pays occupe le troisième rang des fournisseurs mondiaux avec une production annuelle de 360000 t (chiffres 2014/2015) derrière l’incontournable Chine qui se positionne en tête avec 450 000 tonnes et l’Italie, qui avec 419 000 t, produit 65 % de la consommation de l’hémisphère Nord. La France, avec ses 1 600 producteurs qui récoltent quelque 60 000 t produits sur 3 900 ha, occupe le sixième rang mondial, dépassée par la Grèce et le Chili. Toutefois, la production progresse dans l’hexagone (+ 7 % en 2014/2015).
Des lianes méconnues
La nomenclature botanique intrenationale répertorie officiellement aujourd’hui 75 espèces dans le genre Actinidia et plusieurs sous-espèces et variétés naturelles. Il a donné son nom à la famille des Actinidiaceae. Créée en 1825 par le botaniste allemand Ernst Friedrich Gilg (1867-1933) et son compatriote naturaliste et explorateur Erich Werdermann (1892-1959), cette famille ne comprend que trois genres : Actinidia, Clematoclethra et Saurauia.
Le kiwi, un excellent fruit pour la santé
Le kiwi possède une bonne concentration en vitamines (C, E), en calcium, en potassium et en magnésium. Même si son apport calorique reste faible (47 kcal/100 g), c’est le fruit qui présente la plus forte densité en éléments nutritifs. Il est possible aujourd’hui de se procurer de nombreux cultivars. Mais le plus exploité est la forme femelle ‘Hayward’. Nommé en l’honneur du Néozélandais Hayward Wright (1873-1959) dont nous avons parlé plus haut, ce cultivar fut obtenu dans les années 1960 et ne cesse depuis de bénéficier d’améliorations.
Il est conseillé pour obtenir une bonne production d’installer un pied mâle avec trois femelles. Dans les années 1990, des variétés hermaphrodites (autofertiles) comme ‘Solo’ ou ‘Jenny’ furent créées. Il est donc possible aujourd’hui de récolter des fruits en accueillant un seul sujet dans un petit jardin, mais la production est beaucoup plus faible. Le kiwi n’est plus du tout une curiosité. Mais en raison de son aspect inhabituel, il conserve auprès des jeunes enfants toute sa popularité. Il ressemble, il est vrai à un petit rongeur d’où son surnom sympathique de « souris végétale ».