À 41 ans, cet officier de marine s’est mis à souffrir de blessures spontanées. Il consulte de nombreux médecins avant de comprendre.
iStock/Wavebreakmedia
Graham est un homme actif, dévoué à sa famille, qui joue régulièrement au soccer et qui préfère marcher plutôt qu’utiliser sa voiture. Au début de la trentaine, il a déjà consulté un médecin pour une enflure douloureuse au gros orteil du pied droit. Ce capitaine de la marine pensait l’avoir fracturé en jouant et avait été surpris d’apprendre qu’il souffrait plutôt de la goutte, une forme d’arthrite inflammatoire due à un excès d’acide urique dans le sang. Depuis, Graham réussit à maintenir son taux d’acide urique bas avec des médicaments.
Mais il y a eu d’autres blessures mystérieuses. En 2011, environ cinq ans après ce premier diagnostic, il se réveille un matin avec un genou tellement douloureux qu’il arrive à peine à marcher. Curieusement, l’IRM demandée par le médecin des Forces armées canadiennes à Toronto révèle une déchirure du tendon quadricipital. Graham a déjà souffert d’un problème similaire après un tacle sur le terrain. Cette fois, il ne voit pas ce qui pourrait avoir causé la blessure.
Avec la physiothérapie, le quadriceps finit par guérir. Mais voilà que, plus tard la même année, le tendon d’Achille droit se déchire partiellement pendant le sommeil, causant une douleur plus vive que celle du genou. «J’étais très inquiet, se souvient Graham. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait.»
Y a-t-il un lien entre ces blessures étranges et l’arthrite, ou s’agit-il de tout à fait autre chose?
En 2013, après son transfert à Halifax où il a plus facilement accès à un médecin, l’homme cherche à savoir ce qui se cache derrière ces blessures. Son médecin l’adresse alors au Dr Volodko Bakowsky, du Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, pour confirmer le diagnostic de goutte et déterminer le lien avec les déchirures inexpliquées des tissus mous. «Quand les choses deviennent étranges, on fait souvent appel au rhumatologue», plaisante le Dr Bakowsky. Mais en étudiant le dossier de Graham – un membre de sa famille souffrait de la goutte et l’acide urique était contenu par la médication –, le médecin ne voit pas de raison de mettre en doute ce diagnostic.
Pour les antécédents, rien de remarquable. Une précédente analyse sanguine a révélé une carence en vitamine C que Graham compense en mangeant plus d’oranges. Il a consulté un gastroentérologue au retour d’un voyage en famille en Italie – pour des problèmes d’estomac après tous ces repas copieux arrosés de vin rouge. Le spécialiste a recommandé d’y aller plus doucement avec le merlot. Sinon, le patient est en pleine forme. «Il se portait comme un charme et avait un bon régime alimentaire», confirme le Dr Bakowsky, qui met les blessures récurrentes des tissus mous sur le compte d’un surentraînement. «J’ai pensé que notre ami n’avait pas encore compris qu’après 40 ans tout commence à se détraquer!»
Mais Graham ne se contente pas de cette réponse. Il est persuadé que la goutte n’est pas la cause de ses blessures. Le médecin se souvient avoir voulu mettre un terme à la consultation, mais son patient continue à poser des questions. «Il a beaucoup de mérite. Il n’a pas lâché l’affaire.»
Volodko Bakowsky demande de nouvelles analyses. «J’ai raisonné à l’envers. Qu’est-ce qui, avec un minimum de trauma, pourrait provoquer ce genre de blessures aux tendons?»
Il pense au scorbut, résultat d’une carence en vitamine C. Tout le monde se souvient que les marins en souffraient quand leur régime en mer manquait de fruits et de légumes frais. La vitamine joue un rôle essentiel dans la santé du tissu conjonctif et, en cas de manque, les muscles et les tendons sont plus sensibles aux lésions. Mais on ne recense pas de cas de scorbut au Canada, où la population a accès à des produits frais. Moins de 3% des Canadiens souffrent d’une carence en vitamine C. N’hésitez pas à consommer ces aliments riches en vitamine C!
«Comment un individu qui consomme régulièrement des fruits et des légumes peut-il être atteint de scorbut? s’interroge le médecin. Ce ne peut être que la maladie cœliaque.» Chez ceux qui souffrent de cette maladie auto-immune, manger du blé ou d’autres céréales contenant du gluten favorise l’apparition de lésions de la paroi intérieure du petit intestin, ce qui finit par entraver l’assimilation des nutriments. Le Dr Bakowsky demande un examen pour la maladie cœliaque, tout en assurant à son patient que le résultat sera normal.
Mais il est tout sauf normal. «Il était fortement positif», se souvient le médecin. Au bilan suivant, le niveau de vitamine C est indétectable chez Graham.
Le diagnostic de maladie cœliaque, confirmé par un gastroentérologue, explique les maux d’estomac de Graham en Italie. «Je parie que c’était les pâtes et pas le vin!» s’exclame ce dernier. Il n’a pas eu d’autres symptômes, ce qui n’est pas rare.
Les membres de la famille des patients souffrant de la maladie cœliaque ont une chance sur dix de la développer (une sur cent pour l’ensemble de la population). Les enfants de Graham y échappent, mais sa mère et sa nièce découvrent qu’elles en souffrent, elles aussi. Graham soupçonne son grand-père décédé d’en avoir été victime, car il se plaignait souvent de maux de ventre.
Aujourd’hui, aux réunions familiales, le menu est entièrement sans gluten. Il n’est pas facile de changer de régime alimentaire, déplore Graham, qui regrette cruellement sa baguette, mais les bienfaits sont immédiats, et cet ajustement va lui éviter des complications futures, comme l’ostéoporose. «Je suis soulagé que le médecin ait identifié un problème familial que nous traînons sans doute depuis toujours.» Graham relève le côté ironique du soupçon de scorbut. «C’est plutôt marrant pour un officier de marine», plaisante-t-il.
Assurez-vous de connaître ces symptômes pouvant signaler une maladie grave.