La vulvodynie est une condition douloureuse qui risque d’avoir des effets extrêmement graves sur la vie sexuelle et relationnelle des femmes ainsi que sur leur qualité de vie. Heureusement pour les quelque 18 pour 100 de Canadiennes qui en souffrent, il existe des traitements.
Les relations sexuelles avec son amoureux ne sont pas censées être pénibles. Pourtant, chez les femmes atteintes de douleur vulvaire chronique, elles sont souvent insupportables. Ces femmes ressentent une sensation de chaleur intense ou de brûlure qui rend leur expérience intime difficile, les empêchant alors de profiter de leur intimité avec épanouissement. De là, surgissent une multitude de problèmes, de loin supérieurs aux petites anicroches inévitables de la relation amoureuse. Lorsque s’installe la douleur chronique et constante, la marche ou la position assise est à ce point difficile que certaines femmes se voient obligées d’abandonner leurs activités, exercices et autres passe-temps, et parfois même leur carrière.
La vulvodynie est une condition qui se manifeste souvent avec une douleur persistante sans raison apparente. Elle touche des femmes de tout âge, avec ou sans antécédents sexuels, y compris des fillettes à peine âgées de 4 ans.
La vulve, qui désigne l’ensemble des organes génitaux féminins externes, est constituée de grandes et de petites lèvres, du clitoris et de l’entrée du vagin, appelée vestibule. Il existe deux principaux types de vulvodynie. Si elle est localisée à l’entrée vaginale, la douleur vulvaire, uniquement déclenchée par le toucher, est généralement causée par les relations sexuelles, l’insertion de tampon, l’examen gynécologique ou l’irritation due au port d’un jean trop serré. La vulvodynie généralisée se caractérise par une douleur qui affecte l’ensemble de la vulve. Les symptômes peuvent apparaître soudainement ou devenir chroniques et constants, limitant la position assise, la conduite automobile, la marche et la plupart des activités physiques. Dans les deux cas, la douleur se manifeste par un inconfort intermittent ou intense, entraînant parfois l’alitement.
En 2008, la sensibilisation grandissante à l’égard de la vulvodynie se traduit par la publication d’un certain nombre d’études. Cette prise de conscience apparaît même au petit écran, notamment, lors d’un dernier épisode de Pratique Privée, où l’on voit une jeune mariée qui, touchée par cette condition, est incapable de consommer son mariage. On assiste au même scénario avec Charlotte, un personnage de la série télévisée Sexe à New York, souffrant du même syndrome. Alors qu’il n’aura suffi d’un seul épisode pour soigner ces deux femmes, dans la vie, il en est tout autrement. La vulvodynie est rarement traitée rapidement et il est déplorable qu’elle demeure mal diagnostiquée par les médecins. Bon nombre de femmes n’osent pas consulter, mais les autres ont souvent affaire à des médecins mal formés. « Une femme aux prises avec le syndrome doit voir plusieurs médecins avant d’en trouver un qui soit en mesure de la soigner », confie l’un des plus éminents spécialistes en la matière du continent nord-américain, le docteur Andrew Goldstein, un gynécologue exerçant aux États-Unis qui dirige des centres spécialisés en troubles vulvo-vaginaux.
Le nombre précis de Canadiennes frappées par cette condition est inconnu, mais, selon les spécialistes interviewés, celui-ci varierait entre 333 000 et 2,4 millions. La chercheure Caroline Pukall, psychologue clinicienne et professeure adjointe à l’Université Queen’s, estime que la prévalence du syndrome localisé est de 12 pour cent, comparativement à 6 pour cent, dans le cas du syndrome généralisé. Le site Web du National Vulvodynia Association, un organisme sans but lucratif mis sur pied à l’échelle de l’Amérique du Nord, accueille mensuellement 18 000 visiteurs.
1. La vulvodynie est liée à des antécédents d’abus sexuels, de promiscuité ou d’infections transmises sexuellement qui se caractérisent par une dégradation du tissu de la vulve. Or, Caroline Pukall avance que le comportement chez les femmes souffrant de douleur vulvaire ne doit pas être mis en cause, car rien n’indique qu’elles soient plus à risque que les autres femmes.
2. La douleur est d’origine psychologique et fait suite à un blocage sexuel. Certains médecins diront à leur patiente « Je ne vois rien d’anormal, je vous suggère de vous adresser à un autre professionnel qui pourra mieux vous aider à résoudre vos problèmes » précise Caroline Pukall. « Ce qui, évidemment, fait craindre à la patiente de ne pas être normale ou douter de ses sentiments à l’égard de son partenaire ». Or, cette douleur n’a rien de plus vrai. Elle engendre des sensations aiguës sur la peau d’une brutalité insupportable qui ressemblent à la brûlure occasionnée par de l’acide, ou à l’écorchure provoquée par du papier sablé ou, parfois même, à un gros coup de soleil accablant.
Diagnostiquer une vulvodynie n’est pas plus simple que d’établir les causes d’un mal de tête ou de pied, ces états douloureux ayant bien souvent des origines et des traitements multiples. Parmi les causes possibles, sont à noter :
‘ Les changements hormonaux
Un déficit hormonal peut entraîner la fragilisation des tissus vulvaires. Bien que les études actuelles ne soient pas concluantes, le docteur Goldstein attribue ce déséquilibre à la faible dose d’hormones contenue dans les contraceptifs oraux que l’on substitue aux hormones naturelles. Lors de la ménopause, le changement du niveau hormonal peut également jouer un rôle significatif sur les tissus de la vulve.
Traitements prometteurs : Le médecin entreprend actuellement une vaste étude visant à corroborer les observations poursuivies dans son cabinet : dans la plupart des cas, les patientes ayant cessé la prise de contraceptifs oraux ne ressentent plus de douleur. Par contre, lorsque la douleur persiste, il constate que la prise temporaire d’un supplément d’strogène et de testostérone permet d’enrayer le problème. Chez la femme ménopausée atteinte de la douleur, cette pratique semble avoir des effets probants. Une forte proportion de jeunes femmes dans la vingtaine ou la trentaine développerait la condition, en raison d’un lien probable entre la vulvodynie et l’usage de contraceptifs oraux, une méthode contraceptive privilégiée par ce groupe d’âge.
‘ Muscles pelviens contractés
Chez certaines femmes particulièrement tendues, les muscles du plancher pelvien sont trop contractés, rendant leurs rapports sexuels difficiles. Sans doute se voient-elles obligées de retenir leurs muscles pelviens durant de longues heures dans un mouvement de contraction (tel étant le cas des enseignantes qui ne peuvent disposer à leur guise des toilettes, faute de ne pouvoir s’absenter momentanément de leur classe).
Traitements prometteurs : Caroline Pukall souligne que des exercices de physiothérapie axés sur les muscles trop tendus du plancher pelvien peuvent se révéler fort bénéfiques. « Les résultats sont excellents » avoue-t-elle, faisant allusion aux 13 femmes ayant fait l’objet de son étude, qui, toutes sans exception, ont fait des progrès significatifs en un peu plus de huit séances. Pour traiter la condition, on a parfois recours à des injections de botox afin de paralyser les muscles contractés autour du vagin.
‘ Problèmes d’origine névralgique
En raison d’une anomalie congénitale, ou apparue durant l’enfance, ou même à la suite d’une blessure ou d’une infection, chez certaines femmes, on observe dans la région de la vulve un nombre anormalement élevé de terminaisons nerveuses.
Traitements prometteurs : Une étude réalisée à la University of Michigan, en 2008, sur un groupe de fillettes, âgées entre 4 et 11 ans, a révélé que la vulvodynie abordée selon une perspective neuropathique, améliore radicalement le traitement. De plus, la douleur aurait tendance à s’atténuer à la suite de l’administration d’un anticonvulsant ou d’un antidépresseur imipraminique, ou en procédant à une anesthésie par blocage nerveux. Dans certains cas, on fait appel à la chirurgie pour soigner la vestibulite vulvaire, en pratiquant l’ablation des tissus devenus trop sensibles dans cette région. Le docteur Goldstein, qui a pratiqué au-delà de 300 interventions chirurgicales, estime que le taux de satisfaction de ses patientes dépasse les 93 pour cent.
Christin Veasley, 33 ans, codirectrice du National Vulvodynia Association contracte, à 18 ans, une infection du col de l’utérus. Pendant 7 ans, elle essaye divers traitements : crèmes topiques, physiothérapie, antidépresseurs, de même que des stratégies favorisant la réduction du stress, outre un nouveau régime alimentaire. À 25 ans, elle subit en dernier recours une chirurgie visant à extraire une partie du tissu vulvaire, une intervention qui se révèle un véritable succès. Mise à part une légère diminution de la lubrification vaginale, uniques séquelles de la chirurgie, elle est en mesure pour la première fois depuis sept ans d’avoir des relations sexuelles. Elle consulte un sexothérapeute, accompagnée de son mari, puis, trois mois plus tard, elle est heureuse d’apprendre qu’elle est enceinte.
« Le plus grand obstacle que doivent franchir les femmes atteintes de vulvodynie » précise Christin Veasley « est celui de trouver un médecin capable d’établir le bon diagnostic et le traitement approprié, car souvent, en plus d’être habitées par un sentiment d’isolement, certaines ont du mal à dissimuler leur honte ».