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Est-ce bien de s’ennuyer? La réponse de l’expert

«S’ennuyer», cela résonne de manière péjorative et pourtant, ce verbe pourrait bien nous surprendre! Nous avons demandé au psychologue John Eastwood de nous en dire plus à son sujet.

fizkes/Shutterstock

L’ennui a mauvaise réputation. Mais a-t-il de bons côtés?

Oui. Son rôle se compare à celui de la douleur qui nous prévient d’une menace à laquelle notre corps est exposé. L’ennui fait de même pour nous protéger contre le risque de léthargie. Un esprit satisfait de son inactivité n’apprendrait pas, n’explorerait et ne découvrirait rien, ne grandirait pas.

Nous sommes constamment stimulés – trop peut-être – par la technologie. L’ennui a-t-il diminué pour autant?

Non, la technologie nous y expose peut-être encore plus. La technologie mobilise notre attention, mais elle le fait en nous transformant en objets plutôt qu’en agents. Au lieu de nous laisser envahir par des pensées ou des idées complexes, nous abandonnons notre esprit à un écran – et la capacité de concentration et l’attention assidues s’atrophient à force d’être mal utilisées.

La comparaison avec la dépendance s’applique bien ici: la technologie stimule le système dopaminergique et nous laisse dans un état d’euphorie permanent qui exige de plus en plus de stimulation pour que naisse un sentiment de satisfaction, notamment celui d’avoir eu sa dose.

Il faudrait donc apprendre à mieux s’ennuyer?

Disons plutôt qu’il faut apprendre à s’engager dans des activités pouvant entraîner de l’ennui sans pour autant y succomber – comme faire de longues promenades solitaires sans son téléphone.

Plus facile à dire qu’à faire. J’en connais qui emportent leur téléphone aux toilettes!

Oui. Pour y échapper, essayez la thérapie d’exposition de base: faites des promenades sans téléphone ou lisez quelque chose qui dure plus longtemps qu’un clip sonore. Vous éprouverez peut-être un malaise ou de l’ennui au début – cette envie irrépressible de vous retrouver devant l’écran. Mais le manque s’estompera après un moment. Vous trouverez peut-être même du plaisir à laisser vagabonder votre esprit.

C’est différent de l’ennui?

Se perdre dans ses pensées est peut-être l’exact contraire de l’ennui.

Selon une étude, enfermés dans une pièce et placés devant le choix de se laisser envahir par ses pensées ou s’électrocuter, plusieurs avaient choisi de s’électrocuter.

Je connais l’expérience. Il me semble important de noter que, chez plusieurs, le choix de s’électrocuter a certainement été motivé par la curiosité. Cela étant, on a établi une corrélation entre un comportement d’automutilation non suicidaire et l’ennui. Les oiseaux en captivité vont par exemple s’arracher les plumes quand ils manquent de stimulation.

Les enfants souffrent souvent d’ennui quand ils ne sont pas divertis.

De nos jours, tout encourage les parents à traiter leurs enfants comme des seaux à remplir d’expériences merveilleuses et à organiser leur temps sans qu’ils aient la chance de faire des choix. C’est un problème parce que les enfants n’apprennent pas à être des agents – des sujets susceptibles de créer du sens dans le monde.

Vous dites pourtant que les enfants qui s’ennuient jouent un rôle important dans les avancées sociales.

Oui. Des jeunes qui trouvent ennuyeuse la culture de leurs parents, c’est ainsi que les sociétés évoluent d’une génération à l’autre. Si les enfants n’éprouvaient pas de l’ennui devant les goûts de leurs parents en matière de musique ou de mode, on écouterait encore Beethoven.

John Eastwood est chercheur principal au laboratoire sur l’ennui de l’université York.


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