Les enfants doués et TDAH expérimentent ces deux réalités simultanément. Leurs parents font face aux préjugés des enseignants, des médecins et de la famille.
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La rentrée scolaire est bien entamée et certains parents auront la tâche plus ardue que d’autres en raison d’un phénomène peu connu, mais bien réel: leur enfant est «doublement exceptionnel». Il s’agit d’enfants qui présentent à la fois une douance intellectuelle et un trouble tel que le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou un autre trouble de santé mentale comme l’anxiété généralisée.
Si la douance est une force, la double exceptionnalité représente une vulnérabilité pour l’enfant. Bien qu’au Québec le nombre d’enfants doublement exceptionnels soit estimé entre 20 000 et 30 000, leur nombre exact demeure inconnu, car il est difficile de les identifier. Cependant, leurs parents savent bien que quelque chose ne va pas.
Ils doivent en effet composer avec les difficultés d’adaptation, les problèmes psychologiques, sociaux et comportementaux de leur enfant provoqués par cette double exceptionnalité. Ces parents doivent relever quotidiennement de nombreux défis, exacerbant leur niveau de stress vis-à-vis leur rôle parental.
Étudiante de première année au doctorat en psychologie à l’Université de Sherbrooke dans le laboratoire de Mathieu Pilon, je m’intéresse à la réalité de ces parents et plus particulièrement, à la relation entre leur stress et leur sentiment d’efficacité parental.
Plusieurs parents d’enfants doués et TDAH rapportent avoir été convoqués par l’enseignante de leur enfant en raison de ses comportements dérangeants en classe. En plus de faire état de ses difficultés à suivre les consignes, l’enseignante leur signalera souvent que la grande agitation de leur enfant en distrait plusieurs autour de lui.
Malgré tout, bien qu’elle puisse leur faire remarquer que les comportements impulsifs de leur enfant seront à surveiller de près, elle ne pourra passer sous silence son impressionnante créativité. Face à ces constats, plusieurs parents en quête de réponses seront amenés à demander une évaluation neuropsychologique. Avec un peu de chance, la bonne identification tombera: douance et TDAH.
Si la réalité des enfants doublement exceptionnels est méconnue du grand public et même des professionnels de la santé, le stress quotidien que vivent leurs parents face à leur rôle parental est encore plus négligé. Ce stress s’explique par l’écart entre la perception des attentes parentales et celle des ressources à leur disposition. Il constitue un véritable fléau chez ces parents d’enfants à la fois doués et vulnérables.
En plus d’être davantage à risque de développer des problèmes de santé physique et psychologique tels que la dépression et l’anxiété, ce parent vit généralement plus de conflits conjugaux. Sans compter que son stress nuit au développement social, émotionnel et comportemental de leur enfant.
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Les parents d’enfants doués constatent souvent que le développement précoce de leur enfant le distingue de ses pairs. Ceux d’enfants présentant un trouble du déficit de l’attention s’aperçoivent que son rythme de développement peut s’avérer inférieur à la moyenne. Or, les parents d’enfants doués et TDAH expérimentent ces deux réalités simultanément, les amenant souvent à faire face aux préjugés des enseignants, des médecins et de la famille.
En effet, il peut être difficile de concevoir qu’un enfant doué puisse également éprouver des difficultés d’apprentissage, par exemple. Ainsi, les parents de ces enfants exceptionnels, mais vulnérables, sont amenés à prendre la défense des besoins particuliers de leur enfant dans la sphère scolaire, communautaire, et même politique. Il n’est donc pas rare que ceux-ci soient perçus comme des parents perfectionnistes, exigeants, revendicateurs, voire contestataires.
Par exemple, le manque de connaissances à l’égard de la double exceptionnalité dans certaines écoles primaires et secondaires conduit plusieurs parents à devoir informer le personnel enseignant sur la condition de leur enfant. Ils doivent la faire reconnaître comme étant tout aussi valable qu’une autre et insister pour que le plan d’intervention qui a été dressé lors de l’évaluation de leur enfant soit mis en place afin de répondre à ses besoins.
L’identification de la double exceptionnalité est d’autant plus difficile à établir qu’elle se manifeste de manière différente pour chaque enfant. En effet, soit la douance est si importante que l’enfant obtient de bonnes performances masquant ainsi la difficulté créée par le TDAH, soit, à l’inverse, le trouble d’attention est si important que l’enfant affiche une sous-performance qui masque la douance. Enfin, il arrive également que la douance et le trouble d’attention se masquent mutuellement. C’est ce qu’on appelle l’effet de masquage.
Cependant, si ni la douance ni le trouble associé n’est identifié, l’enfant ne peut bénéficier d’interventions liées à l’une ou à l’autre de ses exceptionnalités nécessaires au développement de son plein potentiel. Le stress des parents est ainsi exacerbé, car ils sont conscients que les besoins émotionnels et éducatifs de leur enfant ne sont pas comblés.
La double exceptionnalité est encore un sujet tabou. Il est possible de spéculer que notre héritage judéo-chrétien, prônant des valeurs d’humilité et de modestie plutôt que celles de richesse et de réussite, peut avoir joué un rôle important dans nos choix de société dans ce domaine.
Heureusement, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a publié, en 2020, le document «Agir pour soutenir la réussite des élèves doués». Il vise à soutenir les enseignants, le personnel des services éducatifs complémentaires, les directions d’écoles et les parents dans leur compréhension des besoins des élèves doués et dans leurs démarches visant à y répondre en milieu scolaire. On y présente plusieurs moyens d’action visant le maintien de la motivation des élèves doués et le développement de leur plein potentiel comme l’accélération scolaire, le mentorat, les activités parascolaires, etc. Il était temps !
Juliette François-Sévigny, Étudiante au doctorat en psychologie (Ph.D.-RI) – Cheminement psychologie clinique de l’enfant, de l’adolescent et des parents, Université de Sherbrooke et Mathieu Pilon, Professeur adjoint, Département de psychologie, Université de Sherbrooke
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.