Ayant grandi avec une jambe prothétique, Chinyere Eni ne faisait jamais d’exercice; quelques kilos en trop et le désir d’aider les autres lui ont permis d’apprendre à être active malgré ses limites physiques.
Chinyere Eni évitait délibérément toute forme d’exercice après avoir perdu une jambe à l’âge de 8 ans, consécutivement à un cancer des os. «Je me suis privée de tellement d’activités qui auraient pu m’apporter de la joie simplement parce que je me croyais incapable de les faire», explique la jeune femme de 32 ans qui occupe le poste de directrice des comptes commerciaux au sein d’une entreprise. Cependant, les choses changeront après qu’elle ait pris 3 kilos sous l’effet du stress engendré par le cumul de ses études en vue de l’obtention d’un MBA et d’un travail à temps plein dans le centre-ville de Toronto. Cet excès de poids qui, chez d’autres, n’aurait pas été grave, menaçait sérieusement sa mobilité, le port de sa prothèse lui causant alors beaucoup de douleur.
Quand une collègue fait circuler une note dans le bureau pour inviter le personnel à se joindre à l’édition 2008 du Cyclo-server contre le cancer, elle se dit qu’il est temps de donner à son tour et, du même coup, d’essayer de perdre ses kilos superflus. Cependant, elle ne cherche pas vraiment à s’entraîner pour l’événement, qui consiste à effectuer un trajet de 200 km sur une période de deux jours. Elle se contente simplement d’emprunter un tricycle pour adulte (impossible de monter une bicyclette sans sa prothèse, qu’elle doit enlever pour l’occasion). «De toutes façons, je ne croyais pas pouvoir terminer la course, explique-t-elle. Je me suis inscrite en me disant que, au pire, j’aurais contribué à une bonne cause.»
Le premier jour, la plupart des cyclistes parcourent le trajet prévu au programme entre huit heures et midi. Chinyere, pour sa part, n’atteint la ligne d’arrivée qu’à 20 heures. Elle a pensé plusieurs fois abandonner en cours de route, encouragée en cela par la présence d’une fourgonnette qui la suivait dans le but de les ramener, elle et son tricycle, si elle en manifestait le désir. Mais elle se découvre une détermination insoupçonnée. Lorsqu’elle arrive au campement après avoir passé la ligne d’arrivée, les 2850 cyclistes qui ont effectué le trajet sortent de leurs tentes pour l’accueillir avec un tonnerre d’applaudissements. Elle est morte d’épuisement, mais l’enthousiasme de la foule la galvanise. «Cela a été le moment le plus extraordinaire de ma vie, dit-elle. J’avais du mal à croire que j’avais réussi. »
Stimulée par les autres cyclistes, prêts à lui donner tout leur support, elle effectue le trajet du lendemain sans jamais se retrouver seule. En outre, pour la première fois de sa vie, elle se trouve en public sans sa prothèse, ce qui est pour elle extrêmement libérateur. «J’ai compris que la vie ne consistait pas à être meilleur en tout, commente-t-elle. On n’a pas besoin d’être un triathlète pour faire du sport. »
Intégrer l’exercice dans sa vie de tous les jours et accepter ses limites.
En septembre 2008, ses études terminées, Chinyere s’est inscrite à un gym et s’est mise au cardiovélo. Elle a également retenu les services d’un entraîneur personnel qui, en deux séances, lui a concocté un programme d’exercice sur mesure. De plus, un naturopathe lui a donné quelques conseils pour faire face à son stress et lui a suggéré de tenir un journal alimentaire.
«Accepter le fait que la perfection réside dans l’expérience elle-même et qu’il ne faut donc pas se couper de cette dernière. Avant la course, jamais je n’aurais osé faire du cardiovélo en groupe.»
Chinyere fait du cardiovélo en gym deux fois par semaine. «J’ai finalement trouvé ma voie, dit-elle. En classe de cardiovélo, j’ai le sentiment d’être égale aux autres, ce qui me permet de mieux accepter mon corps. Je me sens énergisée et comblée, mon humeur s’est stabilisée et, chaque jour, je reprends un peu plus espoir.» Elle a également découvert que la pratique des poids et haltères lui convenait tout particulièrement. Enfin, après avoir mis un terme aux collations de fin de soirée (la cause de son problème de poids, selon son journal), elle a perdu ses 3 kilos en trop et sa prothèse ne lui cause plus de douleur. Elle envisage avec bonheur l’achat de sa propre bicyclette pour la course de cette année «mais, ajoute-t-elle, cette fois, je serai préparée».
Soyez honnête avec vous-même. «À l’époque où j’essayais d’être parfaite, je me disais que je ne pouvais pas faire une heure et demie de gym; inutile donc, d’y aller. Aujourd’hui, je ne me compte plus d’histoires : si je ne peux en faire qu’une demi-heure, c’est ce que je fais et je m’en contente. » Échangez avec les autres. Chinyere s’est efforcée d’échanger avec les personnes de son cours de cardiovélo en plus de se présenter au propriétaire du gym. «Auparavant, ce genre de chose me mettait mal à l’aise et je préférais rester dans mon coin. Désormais, j’ai le sentiment de faire partie d’un groupe; c’est beaucoup plus agréable que d’arriver seule au gym et d’en repartir encore plus seule.»