S’il n’y a pas de mode d’emploi pour devenir proche aidant, tous s’accordent pour dire qu’il faut réussir trouver un équilibre entre sa vie familiale, personnelle et professionnelle. Il y a cinq ans, Sonia Benezra est devenue proche aidante auprès de sa mère. Elle nous parle ici avec sincérité de son expérience et de ses défis.
Courtoisie
Sonia Benezra est une figure aimée et connue des Québécois. Son sourire avenant précède son tempérament jovial et accessible. Nous connaissons moins la Sonia Benezra proche aidante – ou proche aimante comme elle aime le dire. Sélection.ca l’a rencontrée.
On ne devient pas proche aidant du jour au lendemain: c’est une adaptation de part et d’autre. À mesure que la personne aidée perd en autonomie, les tâches du proche aidant prennent de l’envergure. La mère de Sonia était autrefois autonome, mais aujourd’hui elle a besoin de son aide au quotidien. «C’est pour ça que nos vies ont été bouleversées: avant elle cuisinait et vaquait à ses occupations. On allait la voir, bien sûr, on mangeait avec elle ou on l’aidait avec ses courses, mais elle était complètement autonome dans son appartement. Et depuis qu’elle ne marche plus – elle est en fauteuil roulant – sa vie a complètement changé et par le fait même nos vies aussi.
Diabétique, la mère de Sonia nécessite des soins quotidiens. Avec sa sœur Esther, Sonia partage le temps de présence au quotidien, avec une aide-externe durant la semaine. Tous les jours, à partir de 17h jusqu’au lendemain, Sonia ou sa sœur s’occupent de leur mère.
On ne parle pas beaucoup des proches aidants et leur travail passe souvent – et malheureusement – inaperçu. Quand on a un bébé, on prend un congé de maternité. Quand on est malade, on prend un congé de maladie. Mais prendre une journée de congé pour accompagner sa mère à l’hôpital pour un examen de routine? C’est parfois plus difficile à justifier. C’est un travail qui demande beaucoup et qui n’a pas de mode d’emploi, car les proches aidants peuvent faire face à des problématiques dont ils n’ont jamais entendu parler et pour lesquelles il faudra trouver des solutions. «Au bout d’un certain moment, on se sent un peu perdu. Par exemple, à chaque fois que j’emmène ma mère chez le médecin, j’ai l’impression moi aussi que je suis allée voir le médecin.»
Freestyle Libre 2
Diabétique, la mère de Sonia doit recevoir une injection d’insuline trois fois par jour. C’est beaucoup. «Autrefois il fallait la piquer plusieurs fois par jour pour connaître son taux de glucose et c’était assez préoccupant. Mais on a découvert un outil vraiment extraordinaire: le système de Freestyle Libre 2. Ce système nous permet de connaître son taux de glucose instantanément, à n’importe quel moment de la journée, grâce à un petit capteur situé en dessous de son bras. Sincèrement, ça a complètement changé notre vie.»
«La beauté de ce système c’est qu’il y a des alarmes pour nous tenir informés sur son taux de glucose: si c’est trop bas ou si c’est trop élevé. C’est un peu comme avoir une infirmière ou un médecin toujours présent à la maison. Ça soulage et ça nous aide énormément. Le fait de pouvoir partager les données entre nous et avec les médecins nous a tous permis finalement de travailler l’esprit tranquille, d’avoir une vie professionnelle plus équilibrée.»
Pour Sonia dont le travail exige souvent des déplacements et des rencontres, le fait de ne plus avoir à s’inquiéter à tout moment lui a apporté une grande quiétude. Elle peut être sur un plateau de tournage ou en rencontre avec des gens, s’il y a une urgence, elle sait que ses sœurs vont recevoir l’information sur le taux de glucose de sa mère en même temps qu’elle, via le téléphone intelligent. Et s’il y a une urgence et qu’elle ne peut pas se rendre auprès de sa mère, elle sait que l’une de ses sœurs pourra.
«La technologie a été très importante durant la pandémie: comme on ne pouvait pas emmener notre mère dans les hôpitaux ou chez le médecin, on a pu faire des consultations par visioconférence. Il fallait trouver de nouvelles façons de fonctionner et on a à trouver certaines solutions.»
D’emblée, Sonia nous avoue que la meilleure chose à faire pour se sentir moins seule, c’est d’en parler. «Il y a cinq ans, je n’en parlais pas autant. J’avais peur que ça affecte le regard des autres sur moi. Et qu’ils se demandent si j’allais pouvoir travailler et être disponible puisque je devais m’occuper de ma mère. C’est important d’être honnête et de dire la vérité, de ne pas faire semblant que tout va bien, tout le temps, parce que ce n’est pas vrai.»
Il ne faut pas avoir peur de le dire: être proche aidant, c’est difficile. Les parents accompagnent leurs enfants vers l’autonomie. Les proches aidants, eux, accompagnent leurs parents vers la fin, et c’est ça qui est difficile. «Plus on en parle, plus on se rend compte qu’on n’est pas les seuls et qu’il y a beaucoup de gens qui sont proches aidants. C’est pour tous ces gens que j’ai envie aujourd’hui de partager mon histoire.»
En parler c’est une chose, mais il y faut aussi prendre soin de soi, ne pas s’oublier. «Depuis quelques mois, j’ai commencé à faire du cardio, six fois par semaine. Je le fais juste pour moi, pour ma santé mentale et ça fait énormément de bien. Une fois le cardio terminé, j’ai vraiment le sentiment que ça va mieux et que tout est possible. Ça aide beaucoup.»
Sonia est la petite dernière d’une famille de quatre filles où chacune a une tâche différente, mais essentielle auprès de leur mère. «Mes sœurs Myriam et Kelly vont préparer des plats pour les repas, les emmener chaque semaine, et ma sœur Esther et moi on s’occupe du quotidien: donner les médicaments, le bain ou les repas.
Courtoisie
Faire des activités ensemble permet de donner un sens à ces rencontres quotidiennes. «Par exemple, ma mère et moi sommes toutes les deux passionnées de vieux films. Environ trois fois par semaine, on écoute des films en noir et blanc. Comme sa vision n’est pas très bonne, je dois lui décrire ce qui se passe à l’écran. C’est un moment de tendresse incroyable. Je joue aussi aux cartes avec elle et on écoute des chansons qui parlent des belles choses de la vie – Charles Aznavour, Édith Piaf, Joe Dassin, Marvin Guay ou Lionel Ritchi…
En discutant avec Sonia, on comprend qu’elle ne manque pas d’admiration pour cette femme qui a toujours voulu le meilleur pour ses enfants. Toute sa vie a été tournée vers les autres et maintenant, pour la première fois, elle laisse les autres s’occuper d’elle. «Il aura fallu attendre qu’elle soit en fauteuil roulant pour ça. Alors j’en profite pour lui faire les ongles – et pas des petites couleurs fades, on met du bleu royal, du rouge feu … on s’amuse vraiment! Je coupe aussi ses cheveux: je ne suis pas coiffeuse, mais j’avoue que je suis rendue pas mal bonne (rire)!»
Mère et fille parlent beaucoup et quand elles ne parlent pas, elles sont juste ensemble. «Quand je rentre le soir elle me regarde comme si le soleil venait d’entrer dans la pièce: alors, comment ne pas sentir un amour profond devant ce regard qui t’attend.»
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