Plutôt que d’interrompre nos vacances de rêve, mon fils et ma fille ont géré seuls la catastrophe qui nous frappait.
C’était le plus magique des voyages. Pour fêter nos 40 ans de vie commune, André et moi avions visité les plus belles villes d’Europe: Paris, Venise, Naples, Rome, Florence, Marseille, Barcelone, Lisbonne… Une escapade en amoureux à travers l’histoire.
Après un crochet en Floride pour faire le plein de soleil avant l’hiver, nous avions débarqué à Montréal le 3 novembre 2009, la tête encore tourbillonnante de souvenirs, ravis de retrouver nos deux enfants, Andréane et François, et notre chaleureux cottage de Saint-Hubert.
J’avais longuement étreint ma fille et mon fils, puis proposé que nous nous mettions en route. Nous regardions défiler le paysage familier. Aux abords du pont Champlain, Andréane m’avait délicatement pris le bras et murmuré d’une voix très douce: «Maman, papa, on a une nouvelle à vous annoncer.»
L’histoire qu’elle nous avait racontée nous avait fait redescendre brutalement de notre nuage. Deux semaines avant notre retour, des voisins s’étaient étonnés de voir suinter le mur de briques à l’arrière de notre cottage alors qu’il faisait un soleil radieux. Comme ils avaient la clé, ils étaient entrés. Le spectacle qui les attendait était apocalyptique ; le réservoir des toilettes à l’étage s’était fendu et des milliers de gallons d’eau s’étaient déversés dans la maison, provoquant des dégâts incalculables: plafonds effondrés, murs et planchers détrempés. Notre maison croulait littéralement sous le poids de l’eau. Encore quelques jours et le mortier se serait détaché des briques, transformant le cottage en perte totale.
Alertés, nos enfants s’étaient aussitôt mis à l’œuvre. Andréanne s’était chargée d’appeler la compagnie d’assurances, et François, de coordonner les travaux. Contre l’avis de certains proches, ils avaient décidé de nous laisser savourer tranquillement le reste de nos vacances. Autrement dit, pendant que nous nous prélassions sur un bateau de croisière au large du Portugal, ils affrontaient seuls la catastrophe. Il était devenu évident que les travaux ne seraient pas terminés à temps, ce qui les avait poussés à louer une maison pour mettre à l’abri les vêtements et objets de valeur épargnés par l’eau. Sans leur présence d’esprit, nous nous serions retrouvés avec deux valises pour tous biens…
Cinq mois et 100 000$ de travaux plus tard, nous avons réintégré notre cottage. «Quand tu reviendras dans ta maison, elle sera encore plus belle», m’avait répété ma petite-fille Léa pour me consoler. Comme elle avait raison! Le geste d’amour de ma fille et de mon fils l’avait transfigurée. Désormais, nous savons que, quoi qu’il arrive, ils seront pour toujours nos anges gardiens.