Le temps est gris et froid. Les oiseaux ne chantent plus. L’hiver en ville me déprime, mais cette année, j’ai trouvé un remède à cet état d’esprit.
J’ai récemment acheté une paire de lunettes de soleil dont je refuse de me départir jusqu’en avril. Peu importe où je suis, dans un souper de la Saint-Valentin, au bureau ou au supermarché. Je me fiche de passer pour une espionne de bande dessinée, même en pleine nuit je porte ces lunettes du bonheur. C’est leur nom : les Spy Happy Lens (lunettes de « l’espion heureux », Spy étant la marque cependant), un type de lunettes de soleil qui garde l’humeur à son meilleur, même en hiver.
Selon le fabricant, Spy, ces lunettes laissent entrer jusqu’aux yeux un maximum de rayons de lumière bleue de grande longueur d’onde qui vous fait dire, comme par un après-midi ensoleillé de juillet : « Oh, quelle merveilleuse journée! » En effet, toujours selon ce fabricant, « l’exposition à la lumière solaire, spécialement aux ondes longues bleues, favorise les changements physiologiques positifs, la bonne humeur et la vigilance ».
Porter ces lunettes est l’une des nombreuses stratégies que j’adopte, cette année, pour éloigner la dépression saisonnière, aussi appelée trouble affectif saisonnier (TAS). J’en ai marre d’être triste et découragée, un état d’esprit qui, invariablement, prend possession de moi entre décembre et mars. Les causes précises du TAS sont encore inconnues, ce qui le rend difficile à combattre. En général, on croit que la dépression saisonnière est liée à la diminution de la lumière du soleil. Celle-ci (contrairement à l’éclairage artificiel) commanderait la production de substances chimiques cérébrales qui sont capitales pour la bonne humeur et l’énergie. Plus précisément, l’émission de sérotonine et de mélatonine serait régie par les cycles de la lumière naturelle. Un ensoleillement moindre entraîne une carence en sérotonine et la surproduction de mélatonine, ce qui nous porterait à nous allonger sur un canapé (la mélatonine étant le neurotransmetteur qui nous dit de dormir).
D’autres facteurs, dont des antécédents génétiques, rendent les personnes plus ou moins sujettes au TAS. Chez moi, l’impossibilité de faire mes exercices préférés en plein air ‘ natation en plan d’eau et randonnée pédestre ‘ me rend plus sédentaire en hiver et provoque cette diminution saisonnière de ma bonne humeur. Sans doute, ce besoin de lumière solaire est-il à l’origine de la thérapie par la lumière, le traitement non médicamenteux le plus populaire. En effet, une exposition aux rayons de lampes conçues pour projeter une lumière bleue de grande longueur d’onde, durant 15 à 45 minutes chaque matin, s’est avérée un excellent traitement du TAS, selon une étude publiée dans la revue Anxiety and Depression. Chez moi, cependant, un facteur important est lié à l’environnement. Le paysage urbain de janvier est carrément déprimant. Il y a eu deux hivers de ma vie au cours desquels j’ai pu échapper au TAS. Le premier fut celui passé au Mexique. Le soleil s’y couche tôt en janvier, même s’il est vif à midi. Donc, la carence en lumière ne semble pas être le facteur principal de mon TAS. Par contre, j’étais entourée de couleurs, de chants d’oiseaux, de beauté.
La deuxième fois où je n’ai pas fait de TAS fut celle où je vivais dans la campagne enneigée, au milieu des cèdres et des pins du parc de la Gatineau. Pourquoi étais-je plus heureuse en ces lieux qu’ailleurs? Je soupçonne que les déclencheurs de mon TAS sont relatifs à mon accès à la nature.
En ville, au moment où les feuilles tombent et les pelouses jaunissent, la nature nous abandonne. J’ai devant moi le terne paysage de briques, de métal, de fils et de routes dégarnies. De même, l’environnement sonore change avec la migration des oiseaux. Je me souviens encore d’une promenade, dans une ruelle près de ma maison, en mars dernier. Lorsque j’ai entendu un premier chant d’oiseau, je fus tellement ravie que je me suis arrêtée pour écouter, haletante. L’absence de chants d’oiseaux me rend folle. Bien sûr, on a fait des recherches à ce sujet. Les psychologues Rachel et Stephen Kaplan de l’Université du Michigan à Ann Arbor ont étudié l’importance de la nature pour la santé mentale, pour aider les architectes et les planificateurs qui font de la conception d’immeubles. Ce travail sur les environnements « réparateurs » a mené à l’installation de jardins sur les toits, à la plantation d’arbres en pots et à l’aménagement de points de verdure de toutes sortes. Les Kaplan ont conclu de leur étude que des employés de bureau avec une vue sur la nature aimaient davantage leur emploi, présentaient un meilleur bilan de santé et jouissaient d’une plus grande satisfaction de vie.
Une étude suédoise publiée dans le Journal of Environmental Psychology a révélé que c’est possible. Les chercheurs ont constaté que la vue d’espaces verts et d’environnements ruraux réduit les symptômes du stress et de la dépression, y compris ceux provoqués par des conditions météorologiques défavorables prolongées et les changements de climat.
Je m’en doutais! Alors, voici mon objectif à long terme : ficher le camp d’ici! Mais, en attendant, je dois rester en ville, alors je vais transformer ma maison et mon bureau en serre, en les garnissant de plantes et, probablement, en y posant des affiches géantes représentant des jardins et des forêts. Je songe même à acheter une petite fontaine, juste pour entendre le murmure de l’eau.
Il est difficile de dire ce que je retire du port de mes lunettes de soleil. Un jour de ciel gris et bas, elles ne sont pas très utiles pour ensoleiller ma journée. De surcroît, elles me rendent ridicule. La luminothérapie, semble-t-il, crée une dépendance, alors mes lunettes se doivent de laisser entrer un maximum de cette invisible lumière bleue. Certains d’entre nous ont besoin de plus de lumière, d’autres moins. De toute évidence, mon besoin de lumière s’accompagne du besoin de voir un bouquet de fleurs, alors je réunis des plantes d’intérieur, des week-ends dans la nature, ma folie pour les lunettes de l’« espion heureux » (de 95 $ à 200 $) et une lampe à luminothérapie (200 $ environ).
J’ai aussi découvert une autre thérapie qui vient en aide à la plupart de ceux qui l’adoptent : l’exercice hivernal. Plus précisément, j’ai découvert la Zumba, une forme d’exercice fondé sur la danse et le mouvement sur fond de musique latine sensuelle. Peut-être cela me ramène-t-il au Mexique ou aux vacances sur la plage. Mais il ne fait aucun doute qu’après le cours, je me sens un peu plus ensoleillée. Hourra!