Il ne le savait pas, mais Martin aurait pu s’infliger des lésions permanentes aux poumons à cause d’une allergie à un simple oreiller.
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Le patient: Martin Taylor, un ingénieur en logiciels de 42ans
Les symptômes: essoufflement sévère et étourdissements légers
Le médecin: Dr Owen Dempsey, pneumologue à l’Aberdeen Royal Infirmary, en Écosse
Martin Taylor met au point des logiciels le jour et joue de la guitare dans un groupe d’Aberdeen le soir. Au mois de septembre 2016, en aidant ses camarades à décharger du matériel lourd avant un spectacle, il s’est senti étourdi. Il n’y a pas prêté attention sur le coup, mais au cours des semaines suivantes, les étourdissements se sont intensifiés. Ils s’accompagnaient de fatigue et d’un essoufflement croissant. En même temps, son appétit diminuait. Il essayait de bien dormir, mais se réveillait souvent la tête dans le coton pendant la nuit. Un soir de novembre, en montant la scène en prévision d’un mariage, il est pris d’un violent vertige. «J’ai failli m’évanouir», se rappelle-t-il. L’un de ses compagnons le rattrape juste à temps. Il prend enfin rendez-vous avec un médecin dans un cabinet tout proche.
Le praticien conclut à une petite infection pulmonaire en voie de guérison. Pourtant, plus le temps passe, plus Martin se sent malade. Il retourne au cabinet, voit un autre médecin qui prescrit une radio des poumons pour savoir s’il s’agit de bronchite, de pneumonie ou même de cancer. Tout est normal.
En décembre, Martin va trop mal pour travailler ou donner des concerts. Il dort tout le temps et s’essouffle au moindre effort. Monter s’étendre lui demande un temps fou. «Après quelques pas, j’étais à bout de souffle», dit-il. La nuit, il a l’impression de suffoquer et n’arrive pas à gonfler ses poumons. Le matin, une fois sa femme partie au travail, leur petite fille lui porte du thé et des toasts au lit. Il confie piteusement: «Un parent ne s’attend pas à être soigné par son enfant de huit ans.»
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Faute d’appétit, il perd plus de sept kilos. En désespoir de cause, il prend rendez-vous avec un troisième médecin du même cabinet. Celui-ci lui demande de marcher rapidement dans le corridor. En le voyant souffler comme un phoque, il lui met un oxymètre sur un doigt pour mesurer l’oxygène dans son sang. Le taux normal dépasse 95%; celui de Martin est inférieur à 80%.
Le médecin appelle le Dr Owen Dempsey, pneumologue à l’Aberdeen Royal Infirmary, et lui envoie la radio «normale» de Martin. «J’ai cliqué sur l’image pendant que nous bavardions, relate le Dr Dempsey, et je me souviens d’avoir pensé qu’elle ne l’était pas. L’anomalie était subtile.» Les poumons sont grisâtres, comme s’ils étaient voilés. Un radiologue peut aisément conclure à une sous-exposition. Le Dr Dempsey, lui, comprend que quelque chose prend la place de l’air, peut-être un fluide d’origine inflammatoire.
Une inflammation pulmonaire peut avoir de multiples causes – pneumonie, maladie auto-immune… Parfois, elle signale une pneumonite d’hypersensibilité (PHS), réaction allergique à un irritant inhalé à répétition comme une vapeur chimique ou de la moisissure. On ne recense que quelques cas pour 100000, mais les chercheurs sont persuadés qu’elle est sous-diagnostiquée. «Les poumons filtrent des milliers de litres d’air par jour, explique le Dr Dempsey. Ce qui est étonnant, c’est que nous réagissions si peu aux toxines de notre environnement.»
Il appelle Martin qui, au beau milieu de la conversation, va éteindre la cuisinière. Quand il revient, il est si essoufflé qu’il peut à peine parler. Le docteur en est stupéfait: «Un homme de son âge ne devrait pas respirer comme s’il venait de courir un marathon alors qu’il n’a fait que quelques pas dans sa maison.»
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Il bombarde son patient de questions. Des centaines d’allergènes peuvent déclencher une PHS, mais ils sont peu évidents: les moisissures cachées dans un instrument à vent, les particules de maïs dans l’air d’une usine de maïs éclaté… Il n’y a pas de moyen de tous les tester d’un coup. «Bien souvent, nous n’arrivons pas à trouver le déclencheur. C’est frustrant parce que le traitement, c’est de l’éliminer.» Il demande à Martin s’il a des oiseaux, car un genre courant de PHS est une réaction à la sécrétion cireuse qui imperméabilise leurs plumes. Les victimes sont en général des éleveurs de pigeons ou des propriétaires de perruches. Martin n’a pas d’oiseau, mais le Dr Dempsey insiste quand même: y a-t-il du duvet dans son lit?
Le musicien répond qu’il a en effet un édredon et des oreillers en duvet neufs depuis la fin de l’été. Sa femme et lui ont des couvertures de duvet depuis des années, mais c’est la première fois que son oreiller aussi est rempli de plumes. «Je dors sur le ventre, donc j’avais le visage dedans», dit-il.
Le Dr Dempsey lui conseille de changer de literie sur-le-champ et lui prescrit des stéroïdes pour atténuer l’inflammation. Martin est prêt à tout. «J’allais de plus en plus mal depuis si longtemps et je ne voyais pas d’issue.»
Quelques nuits après avoir changé d’oreiller, il se sent déjà un peu moins malade. Il commence à prendre les stéroïdes une semaine après et, en deux jours, tous ses symptômes ont disparu. «C’était l’euphorie, se souvient-il. Je me sentais comme neuf.» Une IRM confirme l’existence de ces zones grises, et des analyses sanguines révèlent une forte exposition à des protéines aviaires. Si Martin avait continué à dormir sur son oreiller de plumes, il aurait pu s’infliger des lésions permanentes aux poumons.
Martin Taylor, qui a pu cesser de prendre des stéroïdes, admet qu’il a mis du temps à mesurer la singularité de son expérience. «Le Dr Dempsey dit que je suis un cas spécial. Pendant très longtemps j’ai cru qu’il disait ça à tous ses patients – juste pour qu’ils se sentent entre de bonnes mains.»