Le yoga «chaud», que ce soit le Bikram, le Moksha ou une forme non affiliée à une marque, est très populaire en Amérique du Nord. En voici une description, ainsi que quelques conseils pour vous y préparer et pour savoir si ce genre d’exercice vous convient.
Je commence à transpirer dès le début de la séance et, à la fin du premier exercice, mon tapis est trempé de sueur. Allongée sur le dos dans une pièce dépourvue de fenêtres et aux murs couverts de miroirs, j’ai le sentiment d’être un glacier essayant désespérément de résister au réchauffement global. Nous sommes au studio de Moksha Yoga de Halifax. L’enseignant passe dans les rangs, nous encourageant gentiment et corrigeant un mouvement au besoin. «Faites corps avec la chaleur», dit-elle avec un sourire; je fais de mon mieux tandis que ma sueur s’accumule, à mon grand embarras, dans toutes les ouvertures de mon corps.
J’ai fait pas mal de yoga dans le passé, mais c’est mon premier cours de yoga chaud. Et quand on dit chaud, on n’exagère pas. La température de la pièce est maintenue à 37°C. Pour vous faire une idée, imaginez une île tropicale où il n’y aurait pas le moindre souffle de vent, en pire.
Ceux qui le pratiquent assidûment affirment que le yoga chaud offre de grands bienfaits, la détoxication étant celui que l’on met généralement de l’avant : une bonne suée permettrait d’éliminer les substances toxiques de l’organisme. «La chaleur a aussi l’avantage de faciliter les mouvements, qui sont alors plus profonds et moins dangereux», de dire Joanna Thurlow, propriétaire du centre de Moksha Yoga d’Halifax. «On est certain de bien réchauffer les muscles et, par conséquent, de faire les mouvements de manière plus sécuritaire». Selon Isabel Lambert, directrice du Tula Yoga Spa de Toronto, faire de l’exercice dans une pièce chaude a pour effet d’élever la fréquence cardiaque, ce qui oblige le corps à travailler plus dur. «C’est destiné aux personnes qui recherchent un exercice intense, et veulent développer leur force, leur souplesse, leur tonus musculaire tout en faisant du cardiovasculaire.» La chaleur, ajoute-t-elle détend le corps, améliore la respiration (ce qui est bénéfique pour les personnes souffrant d’asthme ou d’affections semblables) et favorise la concentration.
Il existe différentes formes de yoga chaud. Le Bikram, qui est pratiqué dans des centres accrédités un peu partout dans le monde, est toujours considéré comme la forme originale. Il consiste en une série de 26 postures destinées à augmenter l’endurance. Le Moksha Yoga a été fondé par deux yogis de Toronto qui souhaitaient intégrer un élément environnemental dans la pratique. Tous les centres de Moksha du Canada et des États-Unis adhèrent à un certain nombre de principes environnementaux : par exemple, on utilise des sources d’énergie renouvelables et le revêtement du sol doit être en matériaux durables. D’autres, comme Isabel Lambert, enseignent une variante de ce yoga, le «hot power flow».
Pour bénéficier du yoga chaud, il faut se préparer. «Vous devez très bien connaître votre état de santé», prévient Joanna Thurlow, qui ajoute qu’il est important de bien s’hydrater avant le cours et qu’on devrait boire «des litres et des litres d’eau tout au long de la journée» avant de se rendre en classe. Elle conseille aussi de manger peu avant le cours et de prendre une boisson enrichie en minéraux et en électrolytes après, par exemple du Gatorade, de l’Emeren-C ou de l’eau de coco. Les deux monitrices soulignent que le yoga n’étant pas une activité de compétition, chacun devrait adopter son propre rythme. «Si vous ne vous sentez pas bien, conseille Joanna Thurlow, faites une pause. Il n’y a pas d’égo dans le yoga; vous faites ce que vous pouvez.»
Certains se méfient du yoga chaud. C’est le cas de Sandra Murphy, naturopathe de Halifax : «On court le risque de se blesser», dit-elle, soulignant l’absence de surveillance et le risque d’exagérer les étirements dans une atmosphère chaude. «Vous pourriez dépasser vos limites, simplement parce que vous perdez le sens de ce qu’elles sont. Alors vous étirez artificiellement vos muscles.» La naturopathe, qui est très favorable à la thérapie de détoxication au sauna par infrarouges et qui recommande le yoga ordinaire comme forme d’exercice, ne pense pas qu’il soit utile de conjuguer les deux. Elle souligne que même en Inde, la tradition veut que le yoga se pratique le matin, avant la survenue de la chaleur intense. «Je pense que c’est dangereux», ajoute-t-elle.
Bien qu’Isabel Lambert dit n’avoir jamais été témoin d’un ACV dans un cours, elle conseille tout de même aux personnes souffrant de problèmes cardiaques de consulter leur médecin avant d’entreprendre des cours de yoga chaud. En outre, elle déconseille ce genre d’exercice aux femmes enceintes et recommande aux personnes faisant de la haute ou de la basse pression d’opter pour une forme de yoga moins difficile et de limiter le temps qu’elles passent à la chaleur. En dehors de ces situations particulières, elle estime que le yoga chaud est sans danger et convient à tous, enfants et personnes âgées inclus. «C’est l’un de ses avantages, explique-t-elle, c’est exigeant et intense mais tout le monde peut en tirer quelque chose.»
Le cours est terminé. Je suis allongée sur le dos; j’ai le sentiment que tous mes muscles sont étirés et je me sens étonnamment détendue. Mon débardeur est trempé de sueur, mais, de toute évidence, la sueur est la clé du yoga chaud. «De nombreuses personnes éprouvent de l’embarras à l’idée de transpirer, si bien qu’elles passent leur temps à éponger leur sueur», explique Joanna Thurlow. Elle conseille toutefois de s’en abstenir. «Quand vous épongez votre sueur, vous bouchez vos pores; votre corps doit alors en produire d’autre afin de se rafraîchir. Il est préférable de la laisser couler, d’autant plus que tous les étudiants logent à la même enseigne. »