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Joannie Rochette: Championne de la santé du cœur

Le monde entier a vu Joannie Rochette patiner aux Jeux olympiques d’hiver de Vancouver, quelques jours seulement après avoir perdu sa mère, victime d’une crise cardiaque. Un an plus tard, elle raconte son histoire pour sauver d’autres femmes des maladies du cœur

En février dernier, lorsque Thérèse Rochette est décédée d’une foudroyante crise cardiaque dans sa chambre d’hôtel de Vancouver, quelques jours avant que sa fille n’entame sa compétition de patinage artistique aux Jeux olympiques d’hiver de 2010, ce fut un choc pour tous ses proches. Malheureusement pourtant, cela n’aurait pas dû être surprenant. Thérèse, qui a travaillé si dur pour aider Joannie à vivre son rêve d’or, a vécu sa propre vie comme si son cœur était indestructible. Elle fumait beaucoup, aimait la malbouffe et ne faisait pas d’exercice. De plus, elle n’a pas écouté les symptômes évidents : essoufflement, fatigue et douleurs dans le bras, le cou et l’épaule.

Alors que la planète la regardait, Joannie, voilée de tristesse, se dépassait pour compétitionner en l’honneur de sa mère. Après avoir remporté le bronze, elle s’est retirée de la scène publique pour vivre son deuil en privé. Un an plus tard, Joannie n’arrive toujours pas à croire que personne, elle comprise, ne se soit rendu compte que sa mère courrait à la catastrophe. Même le médecin, qui avait vu Thérèse quelques semaines avant sa mort, lui a fait une injection de cortisone en pensant que la douleur à l’épaule dont elle se plaignait était causée par une ancienne blessure. Avec le terrible recul, Joannie, 24 ans, explique : « Je ne peux toujours pas croire que nous n’ayons pas pensé à son cœur », et ce, même s’il y avait des antécédents familiaux de maladie cardiaque et que Joannie avait souvent parlé avec sa mère de sa dépendance à la cigarette.

Par l’entremise de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, chef de file dans le domaine au Canada, Joannie raconte maintenant son histoire et espère mettre les femmes en garde au sujet des risques de maladies coronariennes grâce à sa campagne de collecte de fonds « mamandemoncoeur ». La campagne vise à sensibiliser le public et à amasser des fonds pour soutenir les recherches de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

La sensibilisation est plus que difficile

C’est peut-être une mince consolation, mais Joannie sait maintenant que sa mère n’était pas la seule à ignorer ses risques de maladie cardiaque. Le Dr Chris Glover, cardiologue à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, rencontre régulièrement des femmes qui sont estomaquées quand il les informe que quelque chose ne va pas avec leur cœur. « Elles n’y croient tout simplement pas, » dit-il. Bien que la plupart des médecins se rendent maintenant compte des risques, « les femmes elles-mêmes les sous-estiment généralement. »

Au Canada, cela fait maintenant cinq ans que les maladies du cœur frappent sans discrimination : 2006 a été la première année où autant de femmes que d’hommes sont mortes de maladies cardiaques et c’est encore le cas aujourd’hui. Mais notre sentiment collectif n’a pas rattrapé les statistiques. Joannie : « Je ne sais pas pourquoi, mais la plupart des gens pensent toujours que ça ne frappe que les hommes. » »C’était assurément vrai il y a quelques années alors que plus d’hommes que de femmes mourraient de problèmes cardiaques. Mais aujourd’hui, c’est la première menace à la santé des femmes canadiennes, affirme le Dr Beth Abramson, cardiologue et porte-parole de la Fondation des maladies du cœur du Canada. Les maladies du cœur causent un tiers de tous les décès chez les femmes et plus de décès que de tous les cancers combinés.

Pourquoi y a-t-il tant de femmes imprudentes?

Le Dr Abramson explique qu’il peut y avoir plusieurs raisons. Premièrement, elles peuvent penser qu’elles sont protégées par les bienfaits de l’œstrogène. Mais la protection des œstrogènes cesse dans la quarantaine en même temps que la ménopause. Vers la fin de la cinquantaine ou au début de la soixantaine, les femmes courent pratiquement le même risque que les hommes.

L’autre source d’imprudence vient peut-être de ce que les femmes ont été bercées par les comptes rendus faisant état d’une amélioration des statistiques de maladies cardiaques. Il est vrai qu’au cours des 20 dernières années au Canada, le taux de maladies cardio-vasculaires (qui comprend à la fois les maladies cardiaques et l’AVC tant chez les hommes que les femmes) a diminué de 50 %. Mais cette baisse est directement attribuable aux changements de mode de vie et particulièrement à la baisse du taux de tabagisme. Le mode de vie et le tabagisme étant responsables de 80 % des maladies du cœur, les modifications apportées aux régimes alimentaires et à l’activité physique ont d’énormes conséquences. Et beaucoup de femmes n’apportent toujours pas les modifications nécessaires à leurs modes de vie afin de réduire les risques.

Les jeunes femmes aussi sont à risque

Le statisticien Raymond Fang fait des recherches sur l’espérance de vie et ses précédents calculs pour la Provincial Health Services Authority de la Colombie-Britannique a révélé des faits surprenants sur la santé cardiaque des femmes d’ici par comparaison à celles qui viennent d’autres parties du monde. « Bien que les taux de maladies cardiaques continuent de baisser à travers la planète, les Canadiennes ne suivent pas la courbe des améliorations spectaculaires enregistrées ailleurs, » dit-il. Par exemple : en 1988, les Australiennes avaient des taux beaucoup plus élevés de maladies cardiaques que les Canadiennes, mais maintenant, leurs taux sont semblables aux nôtres. Et les Japonaises, dont les taux étaient légèrement moindres que ceux des Canadiennes en 1988, ont maintenant des taux de maladies beaucoup plus faibles.

Monsieur Fang explique que les raisons sont évidentes. Comparativement aux femmes dans de nombreux autres pays, nous consommons plus de calories, fumons davantage et nous avons des taux d’obésité et de diabète plus élevés. Ce sont tous des facteurs de risque accrus.

La Fondation des maladies du cœur publie chaque année un rapport sur l’état de santé cardiaque des Canadiens. En 2010, on a qualifié le rapport de « tempête du siècle ». Il contenait de sévères avertissements au sujet d’une explosion imminente de nouveaux cas de maladies cardiaques à la suite d’une énorme augmentation des principaux facteurs de risque pour les hommes et les femmes, et ce, à des âges de plus en plus jeunes. Entre 1994 et 2005, dans le groupe des 35 à 49 ans, la fréquence d’hypertension artérielle a augmenté de 127 %, le diabète de 64 % et l’obésité de 20 %.

Le rapport mentionne particulièrement les risques pour les jeunes femmes de 20 à 34 ans. Sur les quelque 3,4 millions de Canadiennes qui appartiennent à ce groupe d’âge, un million de femmes sont en surpoids. Plus de 800 000 fument et environ 1,7 million d’entre elles sont inactives. « Ce sont des femmes que nous pourrions voir dans les bureaux des cardiologues au cours de la présente décennie », dit le Dr Abramson d’un ton sinistre. « En tant que société, nous devons aider les femmes de tout âge à réduire leur risque de maladies cardiaques. »

Le Dr Anique Ducharme est une cardiologue à l’Institut de cardiologie de Montréal qui, comme ses collègues ailleurs au pays, est très préoccupée de ce que les femmes ne profitent pas des gains obtenus dans la prévention des maladies cardiaques au cours des 50 dernières années. Récemment, le Dr Ducharme a remarqué qu’elle avait comme patientes un petit nombre de femmes préménopausées âgées dans la quarantaine. « On ne voyait pas cela du tout, il y a quelques années. » Elle affirme qu’il y a un énorme besoin d’avoir davantage de programmes de sensibilisation comme la campagne « mamandemoncoeur » de Joannie Rochette pour faire comprendre aux Canadiennes qu’elles doivent prendre des mesures pour protéger leurs cœurs.

Interrogée afin de savoir s’il y a d’autres choses à faire pour lutter contre les maladies cardiaques chez les Canadiennes, le Dr Ducharme réfléchit avant de lancer en riant « des chaussures de course ». Malgré son ton à la blague, vous devez comprendre qu’elle croit sérieusement ce qu’elle dit.


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